Un coq gris – Stilleben VI (1987) –, barbouillé de bleu et de vert éteints, se tient debout en marge d’une cour de ferme boueuse. Haut perché sur ses pâtes cagneuses, il voisine avec les rochers et les ustensiles souillés que Markus Lüpertz a peints à grands coups de brosse. Ce coq aux yeux vides et au cou rouge, engorgé de glaire, semble être dans son élément sur le planché des vaches pollué par l’huile de vidange débordée des fosses sceptiques depuis longtemps bouchées par l’accumulation de grisaille et de bouillie. Tout près de là, Hund, Figur und Wagner (Mann, Hund und Wagner) (1987) évolue dans un environnement similaire ; mêmes accumulations noirâtres, même nonchalance sur fond de ciel plombé.

Tout à l’air d’avoir été coupé à la poix dans ces tableaux. La grande toile de carnaval – 11 November, 1988 – montre des êtres d’outre-tombe ; un squelette rigolard mains en l’air, un canard et un veau difforme dansent dans une forêt hérissée d’arbres sans feuilles et dont les branches s’apparentent à des herses, crocs en exergue, prêts à transpercer le premier moineau venu. Même le soleil qui flotte bas dans le ciel se dégonflerait comme une vulgaire baudruche s’il venait à les rencontrer. Pourtant la fête est à son comble. La terre mange tout, mais quelques lueurs dans les yeux des protagonistes piquent au travers de cette gangue. Elles percent dans les orbites carnavaliers fichés dans la vase et la fiente, ce sont de toute petites billes qui luisent au loin.

Du gras de la terre, Markus Lüpertz extirpe aussi ses sculptures. On dirait des fleurs – des végétaux en tout cas. Il semble les avoir extraite d’un terril ou d’un l’épais marrais montant dont elles sont les fruits incomestibles. À l’air libre, elles n’ont jamais séché, et conservent leur goitre bombé.

En face Penck brûle de couleurs franches, ses toiles sont saccadées, la boue qui progresse par le bas dans celle de Lüpertz est remplacée par une nuit opaque que rien ne fait pâlir, ni les flashs colorés, ni les hommes qui gesticulent, ni les feux tricolores. Étrangement, ces toiles se révèlent encore plus pessimistes ; il y a quelque chose d’inconscient dans la frénésie avec laquelle Penck représente les similitudes du paraître. On pense qu’il schématise, de même que l’on pensait que Lüpertz noircissait le trait, or il n’en est rien, Penck sait trop bien qu’il ne sert rien d’attendre la nuit pour que les cris deviennent perçant et les gorges interchangeables.