En file indienne dans le hall d’entrée, les premières œuvres de l’exposition Alex Katz ressemblent à des panneaux publicitaires vantant les coupes d’un tailleur pour dame. Parfaitement muets, leurs sourires un peu trop vastes, sans une seconde d’attention pour l’observateur, sont imprégnés de la douce supériorité des personnes qui n’ont rien à prouver.

Evidemment il faut se méfier de cette impression de bord de route. Les images qu’elle provoque sont trop tentées par l’exotisme WASP d’une virée fenêtres ouvertes le long de l’Hudson River. On s’y trompe à trop vouloir y croire. Et pourtant…

Un couple de jeunes mariés – Wedding (1982) –, les yeux clairs et vêtu de blanc, pose devant une végétation luxuriante baignée d’un soleil clément. En face, Nabil’s Loft (1976), dresse le triple portrait d’une jeunesse que l’on devine conquérante, prête à renouveler le monde, mais faisant tout pour ne rien laisser paraître. Les jeux de regards et d’attentions que se portent les trois protagonistes dynamisent l’abrupte composition. Les couleurs sont nettes, agencées comme le parcellaire d’une commune rurale où les terres, partagées et réassemblées, ont pris depuis longtemps des formes absconses dont les raisons se perdent d’aussi loin que se perd la logique des droits de passage et des chemins de traverse qui unissent et désunissent les familles. Autre grande fresque, masculine cette fois ; Twelve Hours (1983) où douze hommes badinent et s’amusent du renversement qui les vit hippies dans les années 70 et revêtus de costumes d’affaire dès la décennie suivante. Cette histoire que narre Katz, celle de la Nouvelle-Angleterre qu’il brosse aisée, inondée de térébenthine et sans repentir, est déjà écrite. Lui ne fait que souligner la chaleur des étoffes et la retenue de ceux qui les portent.

Plus loin, deux petits Autoportraits rigolards montrent l’artiste nageant dans les eaux claires d’un lac de forêt. Ses yeux plissés laissent supposer que la lumière est forte, les ombres qui sculptent ses traits, qu’elle vient d’au-dessus. Il doit être non loin de midi, un pique-nique l’attend sur les berges.

Ce sourire en toutes circonstances renvoie peut-être au portrait de Laure and Alain. Il a été peint en 1964 puis à l’identique en 1991. Bien qu’il y ait quelques menues différences de facture, les deux tableaux sont rigoureusement identiques. Il s’agit d’Alain Jacquet, un autre peintre qui se mariait et divorçait dans les mêmes années.