L’exposition de Damien Deroubaix se présente comme un ossuaire, une profusion de signes blancs dans des environnements nocturnes, voire souterrains, qu’éclairent de grands aplats de couleur déchirant la nuit ; ce sont des crânes, des chauve-souris, des pendus et des calvaires peints, gravés et dessinés, que l’artiste exhume et rapièce telles d’antiques dentelles sorties d’une malle d’on ne sait où déterrée. Conservées à l’abri depuis des lustres, les chairs qui étaient dedans ont disparues pour laisser la place au vide remplissant de son noir poussiéreux les interstices entre les fémurs brisés, les côtes entassées. Ces tas, le peintre les redéploye autour de la potence et des draps de carnaval qui servirent à la fête de leurs enterrements.

Une danse macabre donc, une danse cliquetante et pleine d’arthrose que Damien Deroubaix mène avec aisance sur de grandes toiles libres qu’il colle ensuite sur des châssis. Comme si pour être peints, ces squelettes avaient eu besoin d’être manipulés avec la souplesse et l’énergie que l’on met lorsque l’on secoue un drap par la fenêtre avant de le tendre aux quatre bords de son lit. Cette raideur de corps qui s’étire en s’éveillant fait s’hérisser de plis et de rayons de peinture les mâchoires et les dentitions perdues que l’on trouve éparpillées, crachées dans l’espace pictural au gré des soubresauts quelque peu morbides, mais si joyeux, que provoque l’artiste.

Comme dans tout bon carnaval, on y croise des fétiches et des enfants. Il y a aussi une forêt décharnée laissant passer entre ses branches la lumière de la nuit dont les contours cotonneux sont ceux d’un nuage de vapeur impalpable, coloré qui par la lune, qui par une étoile, qui par un feu de joie chargé de sels de potassium, ou encore par les reflets  cuivrés d’une citerne. Toutes ces émanations, Damien Deroubaix les fait elles aussi danser, mais sans nonchalance ; sans paresseuses coulures ; sans je-m’en-foutisme. Et c’est peut-être cela qui excite le plus le regard, Deroubaix ne danse pas, il peint.