Première apparence de la Period Room, les murs de l’escalier qui mène à la galerie haute du Palais de Tokyo ont été recouverts d’une matière beige. Spongieuse d’aspect, semblable en cela au liège aggloméré, mais fine et imprimée sur un fin papier chiné, elle est recouverte de petites traces noires dont l’irrégularité fait penser à des chiures de mouches. Une fois en haut, on apprend que les planches ayant servi à l’impression de ces motifs sont en fait de simples panneaux de polystyrène gratté. Un matériau qu’Alexandre Poulaillon – l’auteur du papier peint – utilise pour couvrir la suite de l’espace d’exposition, et engage ainsi une dynamique d’envers et de décors où les notions de faux et de vrai disparaissent en même temps que celles d’image et de matrice s’unissent en un ample mouvement de réciprocité.

Dans cette exposition, les motifs et les objets correspondent par contact visuel en un effet de digression circulaire où se répètent à l’envie des boucles du type : volutes – marbrures – cahiers – dessins – cadres – décors – volutes. On s’y perd. Il faut un temps d’adaptation pour pleinement concevoir que ce qui nous est présenté. Pareils en cela aux modélisations de figures fractales, ces objets ne changent pas de forme en fonction de l’éloignement à partir duquel on les observe. Le point de vue de l’art, sans être équivalent à celui du design, qui lui en est d’ailleurs très éloigné, se confond pourtant avec lui. L’un et l’autre se contiennent mutuellement. On en refait l’expérience avec la proposition d’Anthea Hamilton ; Leather Blind est un grand store vertical dont les lames en cuir cachent le mur comme des laies de papier peint cacheraient un enduit de plâtre tout en conservant la possibilité à tout moment de le laisser apparaître. En s’éloignant, ces stores californiens se détachent du mur avec la même présence qu’un tableau, en s’approchant, on se rend compte que leur texture de cuir ressemble à celle du mur, alvéolée et accidenté comme la surface des panneaux de polystyrène qu’ils obstruent.

L’ambiguïté des formes et images parcours toute l’exposition. Ainsi, la projection cristalline d’Isabelle Cornaro, avec ses reflets de verroterie de pacotille, entre lumière et jardinière pleine de pensées, donne envie de s’y plonger, mais chose que l’écran qui les reçoit ne permet pas ; inversement, les mêmes images utilisées par Aude Marie & Cloé Quenum, appliquées au tapis qui recouvre l’escalier, provoquent l’incertitude opposée : l’objet est là, fait pour être foulé, mais l’on hésite à y entrer.