Le premier sens sollicité par l’exposition de Mathieu Cherkit est l’odorat. Une odeur qui nous saisit en entrant et qui module ensuite tout le reste de la visite. À mesure que l’on avance, on la perçoit se répandre au grès des brillances et de l’embu qui, sur les toiles, dessinent des histoires parallèles. Ce sont des histoires d’atelier et de térébenthine, des histoires modelant les espaces par l’invisible, comme les odeurs de sève modèlent l’appréhension physique que l’on a des maisons en bois et parviennent à simuler l’altitude ou l’exiguïté par la simple pression qu’exercent les émanations d’essences avec lesquelles elles ont été construites.

Cet échange, entre olfactif et optique, trouble d’autant plus qu’il est redoublé dans les tableaux. Bosquets de pins et de cyprès dans R.A.S, perspective envahie par le lierre et les feuilles volantes sur Entre deux, ombre moussue aux fenêtres de Big bang : pas une ouverture qui ne soit sur le point d’être bouchée par la végétation, pas un carré de ciel bleu qui ne soit menacé par l’héliotropisme. Dans le confinement de ces intérieurs aux lignes de fuite multiples que l’artiste tord et charge de détails partout où il lui est possible de s’immiscer, elle s’installe et, progressivement, encombre les lézardes.

Mais au-delà des signes, c’est la surface même de la peinture qui rappelle aux observateurs la nature résineuse du travail de Mathieu Cherkit. Sur les bordures, l’huile raclée s’accumule en un compost abondant. De près, l’image y laisse apparaître sa nature. Pareilles à du gras de coude, elles s’entassent en d’innombrables replis parsemés d’eczéma et de milles autres réactions de satisfaction qui gonflent et suintent sous l’ultime et superficielle couche appliquée par l’artiste.

Les motifs et de repeints vuillardesques tapissés sur cette dernière en calme un peu l’expression des pulsions olfactives et tactiles. Mais ce n’est que pour assouplir le regard, l’attendrir avant que ne s’y referment les méandres de leur perspective captive.