Diego Rivera s’est longtemps cherché. De l’hispanisante Mexico à Paris, de traditions en cubismes, son travail s’imprègne de l’air du temps. L’exposition que présente le musée de l’Orangerie retrace cette évolution. Dès les débuts, sa peinture allie épaisseur, sécheresse et rudesse du matériau qu’il recouvre, comme plus tard pour ses œuvres murales, le plan qu’il soit toile ou bien mur est un espace visuel plus que tactile, il se regarde, s’apprécie en tant que surface mais ne se goûte pas. Même quand le cubisme l’entraîne vers des textures de marqueterie qui caractérisent sa Nature morte à la carafe, la surface n’est pas polie, et le vernis qui la recouvre aujourd’hui n’y change rien, Rivera est un homme de terre battue.

Frida Kahlo intervient dans sa vie comme un lambeau de misère joyeuse et inlassable. Leur relation, pareille aux plantes vivaces que la peintre choisira pour orner de nombreux autoportraits, est enraciné dans l’opposition qui caractérise leur couple. L’astucieuse scénographie en forme d’anneau est à l’image de cette union, sans issue et cyclique.

Dans la petite salle logée en son centre, les autoportraits de Frida nous regardent. En pensant à la mort, Au singe, Au petit singe, sont hiératiques, et presque tenus dans un exercice d’immobilité tragique – un quelque chose de « je te tiens, tu me tiens, par la barbichette… » – que l’on comprend au regard de son corps meurtri. Quand elle ne se peint pas droite, elle est allongée. Alitée dans les bras de Sa nourrice, Sans espoir, Dans l’hôpital Henry-Ford, animaux, organes et idées noires se multiplient autour d’elle ; mais dans ces représentations, elle n’est jamais enfermée, sauf dans un cas, Quelques petits coups de pique, où Diego est montré un couteau à la main près d’elle recouverte de sang.

Quand elle ne se prend pas pour sujet son travail est plus doux. Les fruits de la terre est une nature morte exceptionnelle de lumière malgré un ciel nuageux et encombré. Il se confond presque avec celui de Diego, mais dont les portraits souffrent cruellement de son goût pour les pastels et de son avidité de reconnaissance sociale. Le marxiste est attiré par les modes de vie tribaux de l’argent : sexe, domination et charité.