Au cœur de l’exposition de garçons que présente la Galerie Jeanroch Dard se loge l’entêtante et persistante question de la féminité. Une féminité induite, mécanique presque sans femme ni corps, une féminité image, qui n’existe que parce qu’elle est perçue chimiquement, et dont les formes s’inscrivent d’autant plus clairement dans nos esprits qu’elles sont arbitraires.

Il suffit de peu pour que ces mécanismes se mettent en route. C’est l’expérience que propose Samuel François avec les cadres qu’il remplit de papier doré au milieu desquels il loge un briquet orné d’une image érotico-exotique. Bien entendu, ce sont de belles femmes. Qui, parfois, ont le regard surpris, parfois aguicheur, sont toujours en petite tenue et se dandinent pour mettre en exergue des formes que l’on qualifie volontiers de généreuses – comme si l’on pouvait être généreux de l’image de son corps. Perdus dans ces écrins trop grands pour eux, les briquets ne se voient vraiment qu’en s’approchant. Un geste que l’on opère comme un plongeon dans le papier cadeau, quelques pas qui suffisent pour se sentir envahi par les crissements joyeux et froissés du matin de Noël.

Justin Morin propose lui aussi ses photos de nu. Sauf que celles-ci sont moins frontales. Deux par deux, elles sont assemblées sous la forme de collages, l’image de dessous certainement découpées dans un magazine porno, celle du dessus – fragment en noir et blanc d’une Vénus érotiques plus anciennes – est le plus souvent une rieuse en bikini. Au premier abord, on pense que l’artiste souligne dans ce travail la dégradation de l’image féminine, sa vulgarisation à outrance et la perte du charme désuet qui caractérise pour l’observateur d’aujourd’hui les clichés d’autrefois. Évidemment, on préfère les photos anciennes, évidemment, les mise-en-scènes sont moins brutales, moins choquantes, mais qu’est-ce qui les différencie réellement des plus récentes ? Le côté vintage ? En définitive, seuls les goûts ont évolué, le voile de pudeur qui recouvre les corps de ces grand-mères n’est qu’une barrière fictive.

À côté d’autres cadres, d’autres photos, des images à la banalité recherchée, codifiée et aussi lisible pour le commun des consommateurs que les étiquettes recouvrant les boites de conserves. Que ce soit les images publicitaires de couples à la plage ou à la piscine que réemploi Joachim Schmid, celles de Walter Pfeiffer, de Benoit Platéus ou encore celles que Michael Roy emprunte aux paparazzi, toutes sont faites de stéréotypes qui sautent aux yeux et refusent de se laisser correctement regarder. Car là est bien l’enjeu de ces images, être capable de les voir.