Les objets que Thomas Mailaender récupère, sur lesquels et à partir desquels il intervient, n’ont pas grande importance, sinon celle que leur confère leur matérialité, leur forme, leur couleur, et la permanence de leur trivialité. Ils n’ont aucun intérêt. Et c’est pour cette raison qu’il les choisit. En les manipulant l’artiste en fait des ratages – les blagues deviennent illisibles, les vide-poches inutiles –, il leur invente des fins peu glorieuses et les traîne dans la débâcle des objets que l’on a voulu beaux, pratiques et bien pensés, mais qui ne s’avèrent être rien de cela. Il ne s’en cache pas, mais ce faisant, en en ôtant les pauvres raisons d’être, il fait de ces choses de délicieuses pochades.

Devant la vitrine de la galerie tourne Family Tree, un mobile constitué de suspensions de galettes en terre cuite en forme de smiley. Flottant au milieu de la pièce, attachées au plafond comme s’elles étaient tenues par une laisse, elles ressemblent aux fantômes tristes d’un groupe de gâteaux fabriqués pour une vente au porte-à-porte, mais qu’on aurait abandonné de proposer car trop moches.

Tout autour est accrochée une suite de cyanotypes sur papier Arches. Le support est luxueux, mais le contenu laisse perplexe. On y voit des personnes dans des situations diverses, et finalement pas très importantes, le genre de photographies que l’on fait tous adolescent et que l’on préfère rapidement mettre à l’encan quand, par la suite, on comprend que l’on commettait là la plus grasse des banalités. Toutes ces images, l’artiste en a racheté les négatifs au près du « Archive of Moderne Conflict » pour les retravailler, les mettre à sa sauce, non pas parce qu’il en estimait le contenu, mais pour s’en servir comme du plus trivial des matériaux : les photos souvenirs d’événements bêtement drolatiques oubliés depuis belle lurette. Les images qu’il a choisies dans l’immense fond que conserve l’AMC sont gratinées. C’est ce vernis que Thomas Mailaender s’applique à enlever en les réutilisant. Car, si pour l’artiste, l’image en soi importe peu, elle n’en est pas moins un point d’encrage à partir duquel il est possible de créer un déséquilibre. Cette petite bascule qui permet aux œuvres de faire pencher la tête des regardeurs quand ceux-ci ne comprennent pas qu’il n’on pas compris lorsqu’ils pensent qu’il faut comprendre pourquoi, par exemple, les quatre petits cyanotypes encadrés au fond de la galerie sont accrochés tous de guingois.