Depuis des années, Ryan McGinley photographie des corps heureux. Son travail fait parti d’une noce qu’il documente, un ouragan d’aisance matérielle, de fêtes en plein air, de fraîcheur, de jambes galbées et de seins alertes. Les plaisirs de la jeunesse n’ont jamais été aussi dorés que dans ses images. Tirées dans des formats disparates, parfois très grands, elles établissent, pour ceux qui les observent, le standard d’une esthétique de vie inatteignable mais où les mantras du bonheur cultivé au jour le jour n’ont aucune place. Ces photographies n’ont plus rien avoir avec le présent, ce qui est montré ici est déjà passé.

Que d’étincelles dans le ciel bleu bordé de mauve, que de jaillissements pubères, de cascades, et partout des amis souriants. Les photographies de Ryan McGinley jouent avec les poncifs de la belle photo, il ne se gêne pas pour nous montrer des couchers de soleil, pas plus qu’il ne se prive de composer ses images sur des alignement d’arbres, avec des nuages violets ou avec la rousseur de ses modèles. Tous sont dévoilés avec candeur sous une lumière rasante. Cette éternelle fin d’après midi semble si fausse. Pourtant, tout est juste. Les personnes ne jouent pas la comédie, il n’y a pas de quête d’authenticité ; Shane, Susannah, Petra et les autres, dont on découvre les prénoms en titre des photographies, ne singent pas les magasines de modes, ce sont au contraire les magasines qui s’en inspirent.

Pour en arriver à tant d’évidence dans l’aisance et la beauté, on songe à la longue épuration qu’il a fallu mener. Des générations de richesses mariées à d’intelligents mannequins, des enfances entières à façonner les corps et les esprits. Les cours de piano, les substances illicites, les voyages, les musées, l’art, et l’assurance de toujours contourner les remises en questions, puisque celles-ci sont réservées aux suiveurs. Ceux-là même, que Ryan McGinley ne photographie pas.