La couleur est annoncée dans le titre. L’exposition présentée à la Galerie Chez Valentin entend susciter un sursaut. Elle joue sur le mécanisme de reconnaissance automatique des stéréotypes qu’actionnent les personnes qui ignorent ce que l’on leur présente, et qui, ne voulant pas y paraître, s’empressent de nommer le premier objet venu pour se dédouaner de ne pas reconnaître la suite.

À ce petit jeu de devinettes, les quatre artistes de l’exposition mentent. Rassemblés autour de cette imposture attrape-nigauds, leurs travaux sont traversés de références, de coïncidences et de superpositions visuelles, parfois fortuites, mais le plus souvent intégrées dans la démarche à leur origine. Ces cousinages n’ont rien d’appropriationiste, les ressemblances ne sont qu’en surface et demandent peu de temps pour être déjouées. Sauf qu’ici ces réminiscences posent franchement la question de leur impact sur les observateurs qui les découvrent pour la première fois. Que sommes-nous en droit de penser face aux sculptures modernisantes de David Renggli – ces structures tubulaires rectilignes, droites et laquées de rubis, d’orangé ou de noir – à quelques semaines du décès d’Anthony Caro ? Le rapport aux œuvres s’en trouve-t-il biaisé ?

Par association, la question rebondie sur les trois panneaux assemblés horizontalement que Jean-Baptiste Bernadet a peints de petites touches verticales et que l’on croirait tout droit venus de Giverny. Ces non-nymphéas réintroduisent dans l’espace de l’art contemporain le vieux maître et, avec lui, tout l’imaginaire de la peinture d’amateur. Le sublime et la carte postale se mêlent au regard. Entre l’image que l’on a reconnue, celle que l’on comprend et toutes celles que l’on étire entre les deux, l’œuvre déploie – malgré une forme très conventionnelle – un trésor de digression. Même ouverture en face du travail de Cécile Bart. La peinture murale dont elle a recouvert tout un pan de la galerie englobe dans ses motifs les deux cadres disposés au milieu. La contamination par l’ornement, qu’elle se fasse de l’intérieur du cadre vers le mur ou inversement, fait songer à certains travaux de Bertrand Lavier. Or, en introduisant l’ironie de cet artiste, son propre goût pour le détournement des icones modernes, Cécile Bart modifie la compréhension des œuvres précédentes. Hommage, discours et digression sont court-circuités par la capacité à toujours trouver une nouvelle poupée russe en dessous des surfaces que l’on déballe au fur et à mesure de la visite.

Le comble, Cold Bath et Flamingo d’Anna Betbeze, deux robes de chambre suspendues dans l’entrée, l’une bleue, l’autre mauve, invitent à prendre la place de l’esthète et participer à l’entreprise. Dans cet intérieur douillet, on s’imagine alors Beuys traîner en savates et en pilou-pilou.