De Gérard Schlosser, l’exposition de la Galerie David Guiraud ne présente qu’un seul tableau. Un petit tableau qu’occupe un autre tableau chargé d’une nature morte et derrière lequel deux bras s’étirent comme pour ôter un vêtement. La peinture est accompagnée d’un montage photographique en noir et blanc qui en est l’esquisse.

C’est ainsi que l’on découvre comment, depuis quarante ans, le peintre prépare son travail. Au départ sont les photographies, des photographies qu’il prend dans son entourage – disons-le tout de go, très féminin, et ne semblant pas avoir vieilli avec lui –, des documents dans lesquels il découpe et qu’il associe pour créer de toute pièce une scène nouvelle. Plusieurs images participent donc aux peintures finales. Dans ces photomontages on reconnaît le goût des commissures, des creux et des ombres de seins, la présence de chevelures ondoyantes, de tailles fines et de ciels éternellement dominicaux qui caractérisent le travail de Schlosser. Autant de moments dont on comprend qu’ils n’ont jamais existés ensemble. L’artiste les construit a partir des ses envies.

Ce que montrent ces images scotchées entre elles dépasse le cadrage choisi pour le tableau final. On en découvre l’hors champs, le reste des corps, des espaces et des paysages que l’on a l’habitude de voir très fermés. Le fantasme sous-jacent s’ouvre et ré-embraille la mécanique narrative de l’œuvre. L’image dans le tableau, constituée d’images plus petites, elles-mêmes extraites de l’intimité créatrice et sociale de l’artiste, s’associe à toutes les étapes préalables de sa confection. Le cadrage final n’existe plus qu’en tant que focale bordée de rouge, sa périphérie qui l’alimente et le gorge d’indices supplémentaires démultipliant la narration en nombreux sous-événements soudainement rendus beaucoup plus intéressants et attirants que si on n’avait fait que les énumérer. Dépassé par ce fourmillement, le tableau se calcifie en un rideau plus ou moins rigide que l’œil décale pour observer le vie derrière que l’on imaginait. Le dévoilement de ces photographies est une surenchère dans le voyeurisme, une jouissance qu’enfin l’observateur partage avec le peintre.