L’exposition Vallotton commence avec des portraits, des sourires en coin, des têtes et un groupe d’amis. Un petit groupe facétieux où chacun peint sa vie. Dans celle de Vallotton il  y a beaucoup de peintures du soir, des jardins publics, des rues et des paysages. Des soirs qui n’ont pas l’air d’aller au-delà de 18h, des soirs d’enfants, qui ne s’accoquinent pas. Vite rentré, vite au lit.

En intérieur le silence plombe tout. La Scène d’intérieur de 1900 montre une femme se déshabillant le visage plongé dans la seule ombre de la pièce, tout le reste étant immergé de couleurs criardes interdisant toute nuance, toute douceur. La femme ne se hâte pas, elle prend son temps. À bonne distance, le peintre attend patiemment. Idem dans Intérieur, femme en bleu fouillant dans une armoire (1903), la silhouette de la femme – celle qu’il a épousé – est résumée à celle d’une robe de chambre bleue, pas même un dos. C’est le matin et elle cherche ce que le soir venu, l’artiste qui regarde, devra essayer de faire ôter.

À partir de là le reste n’est plus qu’habillage.

La Dame-Jeanne et Caisse (1925), œuvre frustre, pressée et précise, en est un peu l’épitaphe. Dans l’intérieur d’une bonbonne, un tourbillon alcoolique entraîne le reflet d’une fenêtre vers le coin gauche du tableau, au sol, maculé d’une tâche orange : façon d’exprimer que l’histoire s’est mal finie.

On repense alors au Souvenir des Andelys. Paysage aux subtils fils narratifs où les pastels de l’atmosphère jouent avec la météo que l’on sent changeante, comme si tout un dimanche après-midi à la campagne était narré dans ce tableau. Il y a les coteaux lumineux en bord de fleuve, un vapeur qui crache une fumée formidable et qui vient emmitoufler un bâtiment administratif avant de s’écraser à plat contre une paroi de calcaire. Plus loin, la ville fourmille, la pluie s’en va juste après le repas et la balade qu’accompagne toujours la digestion. Puis la nuit, bientôt, parce que ces dimanches au début de l’hiver se finissent avec le coucher du soleil. Il en va ainsi du confort bourgeois de seconde, ou troisième génération.