Bien qu’il ait réussi à sauter du surréalisme au pop sans passer ni par la case expressionniste ni conceptuelle, Llyn Foulkes n’a rien de l’artiste américain international. D’ailleurs, il joue pas mal des stigmates de l’underground, pataugeant dans la bricole à l’excès et ne perd jamais l’occasion de coller, découper ou taper dedans. L’artiste façonne ainsi une esthétique de la pâte à modeler qui allie image potentielle et satire de la société de masse.

Les nombreux portraits présentés – les Bloody Heads des années 70 – dégoulinent de sang, et ne sont que rarement identifiables, l’artiste leur carrant en pleine poire un objet, un masque, une gerbe de peinture ou simplement en les remplaçant par une béance. Quand l’espace pictural s’élargit, c’est pour faire apparaître des enfants perdus, des vieillards hagards et prostrés accompagnés de Mickey Mousse dans des panoramas d’Ouest américain transformés en parc d’attraction où le factice fait jeu égal avec le paysage. Ces reliefs, couvrant parfois tout un mur, pèsent physiquement sur ceux qui les observent. Sauf que l’amoncellement n’est pas accumulation, les signes utilisés sont choisis sans coquetterie, ils composent des rébus – au pathos certes dégoutant – mais pleins de compassion et de tendresse pour la liberté perdue.

Toutefois, certaines œuvres des années 60 comme le Portrait de Leo Gorcey et son voisin d’accrochage Sleeping rock, se laissent aller à la simple découverte de la forme. Ces deux grandes toiles – de même que Nob Hill, visible dans la même salle – décomplexifient la méthode de l’artiste en asséchant le gras qu’il aime à accumuler dans ses autres travaux. Nues, elles se taisent ; l’observateur prend alors le relais et son regard libéré divague dans les entrelacs de ces peintures aussi fines qu’elles sont chiffonnées. Position perdue une fois pour toute avec l’apparition des tableaux relief hyper narratif que Llyn Foulkes développe en suite. Malheureusement la conséquence de ce tournant pousse son travail dans les ornières qu’il dénonce ; la liberté de l’observateur, prise dans les rouages inextricables d’une iconographie de l’ironie associée à celle de la contestation, se trouve guidée et devient elle-même spectatrice d’un discours auquel elle ne peut qu’adhérer, au risque, le cas échéant, de mourir d’une occlusion intestinale.