Expo 1 est un projet se présentant comme un départ, un premier pas ; un peu comme si les gonds maintenant les portes de l’institution avaient été symboliquement inversés de sorte à ce qu’au lieu de s’ouvrir sur l’intérieur ces dernières-ci s’écartaient vers l’extérieur. Non pas qu’il s’agisse de tirer un trait sur le passé ni de le renier, mais d’annoncer de nouvelles possibilités, de laisser passer une perception renouvelée de l’environnement et des préoccupations qui y sont intiment greffées.

Ce sont donc les rapport à la nature, à l’état sauvage et, in fine, à la sauvagerie qu’explore Expo 1. Deeparture de Mircea Cantor introduit parfaitement cette ambiguïté, pour cette vidéo il enferme ensemble un loup et une biche sous l’observation d’une caméra qui enregistre et mesure le pouls des deux bêtes. L’utopie fait son temps, on ne trouve dans le montage aucun trace de naïveté ; la nature se découvre cruelle, et l’homme, apprenti sorcier, se brûle les doigts quand il ne fout tout simplement pas le feu à tout ce qui l’entoure. Dans cet hommage, la figure de Beuys est remise en chantier par l’artiste, lardée par la purulence enchevêtrée des problématiques écologiques et sociales, l’œuvre raille les lendemains heureux qu’avaient promis l’allemand et son coyote.

La première partie de l’exposition tout entière prolonge ce malaise. L’œuvre de Mark Dion, Killers Killed, montre des animaux nuisibles carbonisés pendus à un arbre. Amos Power plant, Raymond, West Virginia de Mitch Epstein, imposante photographie, associe dans son cadrage un groupe de petites bâtisses en bois entourées de gazon et d’arbres par-delà lesquels s’élèvent les cheminées grises et bétonnées d’une usine électrique. Peter Buggenhout accumule des tas de poussières et ferrailles pour Blind leading the blind. Ces déchets secs, sans crasse, sont à la fois accueillants et dégoutants ; telles des carcasses d’engins de construction recouverts d’une épaisse couche de moutons gris, fantastiques fleurs du mal mécaniques, elles jonchent le sol, le meuble et nous renvoient à notre décadence. Enfin, Fresh air cart de Gordon Matta-Clark achève de stimuler notre culpabilité. Il s’agit d’une charrette à deux places, dos à dos, l’une et l’autre sont reliées à une bouteille d’oxygène, mais où rien n’est prévu pour les éventuels porteurs.

La perte est réelle, les trois salles tapissées de petits tirages d’Ansel Adams en témoignent. Ces images du paysage éternel américain, où chaque essence, chaque roc, chaque manifestation atmosphérique, et chaque cours d’eau fait partie du socle imaginaire collectif national, égrainent ce qui en train de disparaître.

Au bout de la visite, la performance d’Agnes Denes fait office de rappel historique. Wheatfield, A Confrontation date de 1982 : un champ de blé mûrit sur une parcelle polluée tout au Sud de Manhattan. Le projet ne dure qu’un temps, mais il est indispensable car il montre que rien n’est définitif, ni la beauté des céréales qui murissent, ni le sol qui les soutient, pas plus que les bâtiments qui les entourent. Car, outre les plantations, les photographies qui documentent l’action laissent apparaître au milieu du ciel bleu les tours disparues du World Trade Center.