À  première vue les trois sculptures que Guiseppe Penone a installées dans l’espace principal de la galerie Marian Goodman sont à mi-chemin entre les constructions de scouts et des résidus de tempête. À première vue seulement, et ce d’autant moins que l’artiste est connu pour son goût des matériaux nobles. Ce sont donc deux troncs dorés de feuilles d’or, ainsi qu’un feuilleté de briques, que soulèvent les écrins de branchages en bronze patiné qui servent de pieds à ces sculptures. Ces frêles branchages long et anodins élèvent ces trois corps au niveau de la tête des visiteurs comme pour les protéger, les mettre à l’abri en hauteur, un peu à la manière des réserves de mil que l’on rencontre dans les images d’Épinal de la savane africaine.

Au sous-sol, un immense tableau recouvert d’épines de rose semble lorsque l’on s’en écarte retracer à sa surface une empreinte digitale, alors que de près elle n’est plus qu’une forêt indistinctement aiguisée dressée vers l’observateur. Les épines forment ainsi une surface intouchable, fragile bien sur, mais distanciée, protégée des mains et des regards. L’œuvre crée un jeu de yoyo visuel entre la tentation de caresser, de glisser ses mains le long des sillons, et la pulsion quelque peu masochiste d’empoigner la toile comme un rose volée au milieu d’un jardin interdit. Le temps de ces sentiments mélangés, la conscience de l’art s’enfouit derrière le plaisir régressif que l’on connaît allongé dans l’herbe à arracher les brins et les débiter en de petits lambeaux.

En remontant vers la sortie, dans un recoin un peu à part, une pièce qui a parfois servi de salon, l’artiste a disposé plusieurs plantes dans un gros pots de jardinerie en plastique noir. Au végétal informe et fort peu décoratif il a ajouté de larges morceaux d’écorces métalliques. L’intervention est presque invisible, sauf à prêter une attention particulière aux plantes. Pris au piège du luxe, le visiteur aurait eu tôt fait de se détourner de ces pauvres plantes si elles n’avaient pas été disposées au beau milieu de l’espace. Car si le tourbillon de plastique ramifié et rabougri est un délice de médiocrité en terme d’agrément décoratif, il est tout autant est une joie où perdre les regard rompus à l’exercice de la divaguation. Et c’est heureux de se le voir rappeler avant de partir. Penone a certes un goût prononcé pour le beau, mais c’est toujours en opposition avec la facilité qu’il l’exprime.