Pour son exposition au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, Dan Vo a choisi de déployer son travail lentement. Les œuvres occupent l’espace avec élégance et parcimonie, il n’y a d’accumulation sous aucune forme, l’ensemble donne le sentiment d’un long souffle accompagnant les recherches de l’artiste. Il se refuse à toute larme, tout ricanement. Et bien que travaillant à partir de son vécu d’immigrant vietnamien aux États-Unis, il parvient à s’extraire de sa propre filiation pour aborder histoire avec l’exigence clinique d’un chef d’orchestre.

En résulte une exposition faite de pelures historiques, où seules sont conservées celles qui brillent, celles dont la charge symbolique est portée par une dignité en réserve, presque muette. Ainsi, plusieurs œuvres présentées ont été conçues à partir de lots acquis aux enchères et auprès de personnes ou de lieux relatifs à la guerre du Vietnam. Trois grands lustres, issus des salles où le 27 janvier 1973 furent signés les accords de Paris entre les États-Unis et le Vietnam, sont exposés, l’un d’entre eux a démonté pièce par pièce pour être étalé au sol comme s’il s’agissait du squelette d’un grand dinosaure dont on chercherait à retrouver la grandeur supposée. Ailleurs, ce sont des archives liées à ces événements qui ont été démembrées pour être exposées, il y a là tout un luxe de mémoire patricienne, droite dans ses bottes sous le péristyle d’une villa blanchie à la chaux.

D’une manière ou d’une autre, il est continuellement question de morcellement dans la démarche de Danh Vo. Tout à son élégance il y a une forme de cannibalisme chez lui. On le comprend d’autant mieux qu’il n’hésite pas à reproduire la Statue de la Liberté à l’échelle pour la désosser en morceaux de taille humaine dans We the people, œuvre emblématique vendue au poids de la même manière que s’il commercialisait de viande prête à la consommation. Proposition suivie de didactique puisque l’artiste expose à la sortie de la salle où elle se trouve deux gravures illustrant les mésaventures culinaires des missionnaires français venus christianiser le Vietnam au XVIIe siècle et qui finirent en pot-au-feu.