Il a peu de découvertes. Mais l’exposition des dessins d’Alina Szapocznikow au Centre Pompidou en est une.

On y montre des dessins sans format particulier, ni papier arche ni bloc-notes de chambre d’hôtel, simplement des dessins à la plume sur des feuilles jaunies, encres et crayons rassemblés comme s’ils étaient la trace d’une vie qui en compta d’autres, des centaines, que le temps n’a pas conservé mais que l’on éprouve malgré tout au travers de ceux qui restent parce que pour une fois, entre l’unité et le tout, se crée une communauté, un bondissement qui dépasse les distinctions entre ce que l’on connaît, ce que l’on ne connaît pas et ce que l’on espère.

D’une forme de ventre à celle d’une langue, les lignes souples se brisent en des tas d’endroits, elles s’agenouillent, explorent la surface du papier avec une éloquente simplicité. Ces dessins esquivent les questions relatives à l’aisance, à la composition, à l’envie, ils semblent être des accidents raisonnés, dûment téléguidés par une main qui s’écrase contre la feuille, se répétant dans ses obsessions sans volonté d’exhaustivité, ni repentir, ni desiderata, le crayon avance dans la possibilité de se tromper, car toutes les formes se ressemblent dans la pertinence. D’ailleurs, on ne sait jamais trop de quoi il s’agit, on voit des fleurs, des corps et des viscères, et en même temps quelque chose de bien plus simple que ça, quelque chose d’élégant, en plein épanouissement.

L’exposition comporte aussi plusieurs sculptures. Alors, les corps impalpables se chargent de graisse, de fluides lourds et de peaux, comme si Alina Szapocznikow les fabriquait à partir d’une très grande cuticule. Chemise, requiem pour le cul et Sein en chiffon vert (fétiche II) ont cet aspect là, ces deux sculptures semble être mortes, momifiées dans l’immobilité, et en même temps elles sont remplies d’une agitation translucide. Le matériau qu’elle utilise fait songer à ceux repris dans les films de science-fiction, à la frontière de la glaire, du silicone en tube et d’une matière de cellule souche.

L’œuvre est terminée, et pourtant tout est en devenir.