Le projet que Pauline Bastard présente à la Galerie Eva Hober retrace la disparition programmée d’une vielle bâtisse. On la découvre en photo sur le carton d’invitation, plutôt jolie remise qu’habitation, cette antique maisonnette a été vendue à l’artiste sans jardin ni terrain, uniquement disponible pour ses matériaux.

Pendant plusieurs jours, Pauline Bastard la démonte. Mais à l’exception de la vidéo Les Etats de la matière – le mur où on la voit arracher lentement des lambeaux de mortier à des pierres, presque aucune œuvre ne montre cette étape, la démarche exclut tout misérabilisme, la bâtisse en soins palliatifs est tout simplement débranchée, il n’y a pas de grande mise en scène de destruction. Les éléments qui la constituaient sont alors dispersé dans son environnement, tout autour mais aussi dans les environs, pierre après pierre, gravats et morceaux de charpente sont démontés, broyés quand c’est possible, puis éparpillés derrière elle par l’artiste lors de marches. Tel le petit poucet elle sème dans le paysage des traces de la maison, mais contrairement au conte dans lequel in fine ces traces permettent de rebrousser chemin, ici les pierres sont abandonnées, laissées dans un cheminement sans angoisse. Il n’y a aucun retour, aucune œillade en arrière, le déplacement que l’artiste répète autour de la maison s’en éloigne pour y revenir encore et encore jusqu’à ce qu’elle disparaisse définitivement. Le chemin est clos sur lui même, il forme une boucle, un nœud qui, en se resserrant, étrangle la bâtisse dans le but avoué de la faire s’évanouir pour toujours.

On ne peut s’empêcher alors de ressentir une légère piqûre en observant les étapes de la distribution des morceaux dans la nature. On sent très bien la dimension allégorique de ce processus de fin, pourtant le lâché prise qu’opère l’artiste finit de se communiquer à l’observateur. Avec l’acceptation, l’empathie se dilue dans les photographies de paysages où, parmi les arbres, les roches et la poussière semblent avoir toujours été là, retrouvant une neutralité apaisée de toute velléité patrimoniale, une douceur campagnarde où se meurent les objets, les signes et les formes en fin de vie.

La maison disparue, Pauline Bastard conserve plusieurs poutres et les réutilise sous la forme de bancs. Ce qui par le passé soutenait le toit de l’habitant sert aujourd’hui d’assise à ceux qui viennent découvrir le souvenir de l’ultime effort de la bâtisse.