C’est par un petit escalier ouvert sur une rue paisible que l’on accède à la Galerie Remont. En haut, plusieurs pièces de ce qui semble avoir été un appartement sont plongées dans l’obscurité à l’occasion de l’exposition de Nemanja Lađić. Le parquet qui grince sous les pas et les grands châles noirs qui obstruent les fenêtres donnent au lieu la densité d’une expérience cachée, une représentation ésotérique révélée aux initiés qui se succèdent silencieusement. Les œuvres, elles-mêmes, accompagnent ce sentiment par leur contenu symbolique où l’artiste met les visiteurs face à face avec les résiliences des stéréotypes de l’art passé.

La première, Nature morte, est une vidéo où se réalise en boucle le miracle de la multiplication des pains. Sauf qu’ici la nourriture est remplacée par de la vaisselle en porcelaine ornée de fleurs. On la voit déplacée par une main innocente, mise disposition comme autant d’éléments préparés pour un rafraichissement de fin de journée : il y a un pichet, une tasse et un bol. Mais une fois sur la table, impossible de s’en ressaisir, la main ne parvient plus par ses gestes qu’à les dédoubler à chaque fois qu’elle tente de les déplacer. Progressivement l’espace se remplit de doubles empilés qui envahissent le cadre de l’image, jusqu’à ce que l’artiste, conscient de la vacuité de la répétition, ne cesse ses tentatives.

The Cave piece est une vidéo captée dans une grotte. La caméra filme une personne explorant de sa lampe torche les parois rocheuses qui l’entourent. Il réalise ainsi une étrange chorégraphie serpentant le long des failles et des saillances minérales, sur lesquelles la lumière trace une ligne, comme si projetée en même temps que son éclairage des pigments marquaient sous son passage un sillage blanc. Pareille à de la radioactivité cette trace persiste, peut-être définitivement, elle indique la visite de l’artiste, donnant à la divagation de la main une dignité de pionnière tout en soulignant simultanément l’absurdité et la beauté du geste, désormais resté visible — comme s’il ne pouvait plus jamais être autre.

La dernière installation, The Miror setup, capte l’image des visiteurs et la diffuse sur un écran ; derrière eux, une surface verte permet à la vidéo d’être incrustée d’une image enregistrée à l’avance par l’artiste. Sur cette image, à laquelle se superpose celle constamment changeante des visiteurs allant et venant devant la caméra, on le voit accompagné de Miroslav Karić, le commissaire de l’exposition, tous deux discutant impassiblement, comme s’ils formaient une conscience impalpable, pris dans une réalité antérieure, non accessible et pourtant toujours là, impossible à totalement recouvrir.