L’exposition présentée par Ivana Spinelli  à la galerie Beo Project rassemble plusieurs pièces autour d’un projet enroulé sur lui-même, confondant tel un nœud gordien points de départ et d’arrivée. Cet inextricable projet, symbolisé sous la forme de la construction d’une maison en tant que formulation minimale du vivre ensemble, est celui auquel est confronté tout un chacun en choisissant de bâtir sa vie. Mais ici le choix trébuche, il s’amorce, prend ampleur et retombe, répétant le même parcours indéfiniment.

Dans une petite vidéo en stop motion on voit des rangs de briques, toutes identiques, se superposer en strates pour former les quatre murs de la maison. La boucle, qui ne dure qu’une poignée de secondes, s’arrête avant que la maison ne reçoive de toit, elle s’arrête et reprend depuis le début comme s’il n’y avait rien de plus naturel que la disparition dans l’élévation, rejouant à l’échelle d’un seul foyer la malédiction babylonienne. Toute l’exposition tourne autour de ce manque. Les constructions, maisonnettes de village, pavillons périurbains, villas et autres architectures ramenées à leur plus simple et plus fragile expression sont éternellement reprises ; sans fin, sans possibilité de projection à long terme, sans protection contre ce qu’il se passe au-dessus des têtes.

Ces strates de briques, on les retrouve dans un petit dessin qui en reprend toutes les étapes pour parvenir à la lacune finale. De même, l’artiste a tissé de fils blancs une maison sur un grand tissu noir. Les extrémités des fils pendent dans le vide, Ivana Spinelli a choisi de ne pas les arrêter. Ils sont le mortier, le lien entre les éléments de la maison, et le cordon sur lequel on peut tirer pour la faire disparaître. Mais plus encore que le signe du processus labile et répétitif auquel se livre l’artiste, ces fils blancs portent en eux la possibilité d’une reprise et d’un achèvement de la construction. Rien ne laisse entendre qu’à aucun moment le toit ne puisse être finalement posé, mais après tout, plus encore que le toit – en tant que forme d’accomplissement –, peut-être est-ce l’acte de construction et d’élévation qui importe avant tout, peut-être est-ce lui qu’Ivana Spinelli cherche à faire perdurer.

D’ailleurs, au pied de la maison miniature qui occupe le sol de la galerie flotte un petit drapeau noir battant sereinement, acte de piraterie, acte de dérision, on peut y lire en lettres rouges PARTY.