Le propos de l’exposition que présente le musée des Beaux-Arts de Tours est un prétexte pour montrer en parallèle de ses propres collections une très belle sélection issue de celles des musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Un prétexte rhétorique, mais qui permet de se laisser aller à des digressions sur les raisons de la couleur dans la pratique du dessin.

L’occasion est notamment donnée par un ensemble de dessins de Federico Zuccari. L’artiste y mêle avec sensibilité la sanguine à la pierre noire. De cette rencontre résulte une palette de nuances particulièrement fines dans les rendus des chairs. Comme si elles étaient illuminées d’une lumière rase, une lumière chaude et vibrante qui, leur donnant un réalisme inattendu, fait naître une sensation d’automne septentrional. Le balancement d’un bras – entre tension et laisser aller – esquissé dans une étude où il partage l’espace avec un Portrait de Francesca Genra est baigné de cet éclat de mirage. Éclat que l’on s’imagine avoir traversé vignes rougissantes et champs de blés mûrs avant de s’être posé à fleur sur ces surfaces aux rondeurs étourdies par la chaleur de l’après-midi qui s’achève, et dont la fraîcheur humide s’exprime dans les noirs souples utilisés par l’artiste.

Plus froid, le Christ en croix entre la Vierge Marie et Saint Jean l’Évangéliste de Jean Cousin (le père ou le fils) est d’une composition structurée comme un tableau. La croix est au centre, le Christ et Marie baissent le regard, l’un et l’autre, abandonnés dans la solitude de la mort. À droite Saint Jean regarde en l’air, mais à l’inverse des deux autres personnages ses mains sont prises de crispations, tendues dans une douleur qui le parcourt des pieds à la tête. Ses doigts tordus sont brisés comme des brindilles au bout d’un fagot. À leurs pieds, un crâne nous fait face. Il est posé dans une perspective qui rapporte l’observateur à son plan. Comme si nous étions bien plus bas que les trois personnages. Comme si nous étions sur le point d’achever de gravir le Golgotha, trop tard pour intervenir, témoins d’une mort qui nous dépasse et à l’ombre de laquelle notre nature mortelle, proche en cela de celle de Saint-Jean, ne peut que se mettre à frémir.