Lasse de l’aquarelle et de la céramique, les œuvres que Françoise Pétrovitch présente à la Semiose Galerie réinvestissent la peinture. Le grain de la toile remplace celui du papier, les odeurs changent, les temporalités aussi. L’épaisseur de l’huile rappelle celle des glaçures de cuisson.

L’exposition s’ouvre sur deux bonhommes de neige qui nous accueillent branches écartées en signe de bienvenue ; le nez rougi par le gel, yeux ronds, ces ambassadeurs, au sourire creusé dans la pénombre de leur tête, semblent avoir été plantés là pour subir sans broncher l’observation du froid qui sévit dehors.

Les autres tableaux sont plus petits, et beaucoup plus chauds ; on y trouve les signes qu’affectionne l’artiste, les oisillons et les jeunes filles, mi malheureuse Sophie mi adolescentes. Ici, elles sont accompagnées d’un groupe de petits garçons sages, répandus dans l’espace, un à un, comme pour bien s’assurer qu’aucune bande ne se forme. Chacun s’ennuie donc dans son coin. Leurs yeux fatigués, que l’artiste a cernés de bleu, indiquent qu’ils ont peut-être été punis. Comme un indice de leur méfait, l’un d’entre eux tient un oiseau inanimé. D’autres indices apparaissent par endroits. C’est que l’œuvre de Françoise Pétrovitch est ouverte à la narration. Les signes n’y sont jamais innocemment trompeurs ou ouverts à la conversation par pure politesse de ne pas laisser de blanc envahir le moment de la visite. Il ressort de leurs mises en relation une réelle économie du détour de la pensée ; pas besoin de s’enquérir d’informations pour se promener dans cette galerie de portraits, ou alors seulement si l’on préfère les contes de fée californien.

De ces indices récurrents, un trouve une place particulière dans l’assemblage des tableaux ; des gants de jardinage et de vaisselle, ces objets mous, façonnés par l’habitude empreinte de désuétude qu’ont les femmes biens comme il faut de s’en munir, dès lors qu’il convient de protéger leurs mains d’un vieillissement prématuré de leur manucure, pendent de celles trop petites des enfants comme d’atroces préservatifs remplis d’effort.