La peinture d’Aurore Pallet chatouille la curiosité. Ces petites œuvres, dont les dimensions ne dépassent pas l’étendue que peut recouvrir notre champ de vision quand on regarde par le trou d’une serrure, sont des concentrés de mystères glacés. Il y a en elles quelque chose qui rappelle d’anciens documents d’exploration spatiale, quelque chose d’un peu flou, de parcellaire, de l’ordre de l’interdit, déclassé.

Ces peintures sur panneaux contrecollés sont lisses, brillantes et vernies ; elles représentent des fragments que l’on croit découpés dans une encyclopédie de porte-à-porte, ou extraits d’une séquence d’effets spéciaux d’un films noirs des années 80′. Les personnages – quand il y en a – n’ont jamais d’identité propre et sont vêtus de la même manière. Assis en Réunion, pas un seul ne dépasse du lot, ils regardent ensemble une action qui les hypnotise et capte mécaniquement leur attention. Dans les dessins présentés dans le couloir de l’entrée, ces demies foules forment des amas à peine moins disciplinés, s’attroupés autour de raisons indistinctes. Tous semblent être présents pour exemplarité, comme des figurants qui ne seraient là que pour signifier une action qui, à défaut d’avoir besoin d’exister, nécessite d’être vue.

Les autres œuvres sont dispatchées entre divers sujets, parfois absolument obscures,  et dont l’épaisseur du mystère permet au regard de profiter un instant de la matière, suave et précieuse, qu’applique l’artiste dans ses tableaux. Là, on trouve un morceau d’iceberg, d’étranges animaux marins aux yeux écarquillés, des paysages, dont l’impossible symétrie indique la présence d’un miroir, une boite de velours cramoisi, ouverte et vide. Plusieurs références parsèment la visite, la goule du Cauchemar de Füssli se devine, inscrite dans un œil de bœuf, à moins qu’ici encore ce soit un miroir, un de ces miroirs de sorcière convexe propre à rendre considérable n’importe quelle verrue. Le monstre s’y trouve recroquevillé sur lui même, assis dans un coin de lucarne, peint comme s’il était saisi directement dans le souvenir de l’artiste. Il n’a d’ailleurs pas l’air bien méchant, lui aussi est une présence dont la raison échappe à l’observateur ; il fait partie d’un ensemble tenu par une règle dont on sent parfaitement la présence, mais dont rien ne permet de percer l’entendement. Peut-être est-ce ce qu’Aurore Pallet appelle l’hypothèse des halos non lumineux.