À force de se demander ce qu’achètent les fonds d’art contemporain, on finit par obtenir une réponse. Le FDAC, Fond départemental d’art contemporain d’Ille-et-Villaine, présente ses acquisitions. L’exercice est aussi louable que délicat, car montrer une collection départementale, c’est mettre à nu les contradictions mêmes de son exercice, c’est donner à voir l’illisible vrac des choix âprement disputés qui la constituent. Point d’unité donc parmi ces décisions de tables rondes, c’est au visiteur de faire ses choix.

On y trouve entre autres Magnitudo Parvi, une œuvre d’Angélique Lecaille-Guilbert, constitué de trois dessins triangulaires agencés tête-bêche. Tous trois représentent des paysages de planètes désertes, des vues de surfaces rocheuses plongées dans un silence immobile, un silence de clair-obscur si caractéristique des fantasmes véhiculées par l’exploration spatiale. Ces lunes, nous les connaissons bien, elles sont pareilles à toutes les lunes de sciences et de littérature. Mais alors même qu’aucune surprise, aucune étrangeté n’accompagne leur rencontre, elles semblent nous parvenir de loin. Il s’en dégage un sentiment d’étrangéité, ce sentiment qu’accentuent leurs formats un peu particuliers agit comme un magnétisme. Il est parfaitement factice, et c’est en pleine conscience que nous nous y prélassons. Au bout du compte, ces images n’auront été qu’une amorce à laquelle nos souvenirs et nos envies d’ailleurs sont venu s’amarrer.

La grande toile jaune de Pierre Galopin agit un peu de la même manière. Sa surface, Sans titre (Répulsion) est recouverte de petits signes en relief. Presque tous semblables, ne figurant rien d’évident, ils provoquent spontanément une alternance d’associations. Sans difficulté aucune, l’esprit passe d’une idée à une autre, on songe à des gouttelettes sur un pare-brise, texte en braille tracé avec du beurre de cacahuètes, une réaction épidermique de la toile, etc. Il n’y a qu’à se laisser bercer par le flux des idées.

Inversement, Inside the White Cube (Expanded Edition) de Yann Sérandour est une invitation à mesurer une unique question. L’œuvre rassemble sous la forme d’un cube blanc dix-huit exemplaires d’une édition française du texte emblématique de Brian O’Doherty. L’une des faces du cube laisse apparaître dix-huit tranches blanches, serties ensemble pour former un carré – un carré blanc. D’ailleurs, tout est blanc dans cette œuvre. Tout, mais l’intérieur, est-il blanc lui aussi ? Les pages de ce cube blanc, de livres blancs, définissant le cube blanc, sont-elles blanches elles aussi ? L’œuvre ne permet pas de se saisir des ouvrages pour vérifier, mais l’on suppose que oui, il n’y a pas de raison pour qu’elles seules ne soient pas blanches. Mais alors, quelle est la teinte de blanc que l’on rencontre à l’intérieur du cube blanc ?