L’espace qui accueille l’exposition de Renée Levi au FRAC Bretagne est tout sauf facile. À l’observer, on replonge dans nos cours de mathématiques du collège. L’énoncé du problème est le suivant : comment réaliser un quadrilatère quelconque ? Nous voilà en plein dans la géométrie des figures simples qui nous poussait à toutes les contorsions possibles ; où la recherche de l’équilibre, exception faite des formes caractéristiques que sont parallélismes et angles droits. Il en résulte un espace complexe, contemporain, à la mode – pénible. À aucun moment il ne va nous faciliter le regard.

Les œuvres de l’artiste y sont essentiellement réparties sur deux grands murs de la salle oblongue. D’un côté se trouvent de grandes aquarelles bleues, sans titre. Elles sont réalisées sur papier, mais contrecollées sur des feuilles de plexiglass ou d’aluminium. Leur couleur fluide et le grain du papier appellent à la légèreté qu’accompagne la gestuelle de l’artiste ; elle leur donne une ondulation, un frémissement lent et confortable dans lequel il fait bon s’attarder. Le regard s’y complaît d’autant plus que les formats, assez importants, permettent d’y plonger totalement. Le bleu qui y est utilisé est doux, sans mélange ni transition, il est d’une pureté chaleureuse qui donne envie d’y faire corps, comme dans un lagon, enveloppé de chaleur, bercé par le courant amical qui nous porte exactement là où nous voulons être. Mais par leur rigidité, les supports contredisent ce mouvement. L’absence totale de variation dans la matérialité de ces œuvres empêche de trop s’y attarder. Les bords sont droits, et aiguisés comme la fin du monde, le velouté du papier devient tranchant, la rêverie s’y heurte, interdite par cette délimitation autoritaire. C’est comme si l’eau s’était figée, qu’elle s’était tendue sur le mur, glacée sur à peine un millimètre, raidie et devenue imperméable. Elle prend alors une certaine dureté. On s’en délecte d’autant plus qu’après avoir mordu à l’hameçon de la couleur, c’est nous qui, dans un second temps, choisissons de patiner sur le fil du rasoir.

Une multitude de dessins couvre le mur d’en face. 122 y sont référencés. Ils sont disposés sur trois rangées horizontales, parfois bousculées par des chicanes dans l’alignement et par les fenêtres qui les scandent aléatoirement. Ces dessins, aux couleurs vives et sinueuses, multiplient les effets. Cela donne l’impression d’observer une suite d’exercices ; l’artiste s’essaie, elle joue avec son poignet, avec ses doigts ; et au milieu, le pinceau, comme entraîné dans la gymnastique, se balance et trace toute sorte d’arabesques et de lignes. Ces encres et aquarelles apparaissent alors comme une forme de notation du geste et non le but de celui-ci. La raison ne sert à rien pour la déchiffrer, mais nos mains dans nos poches, elles s’en délectent.