Les œuvres présentées par David Tremelett et Michel Verjux à la Galerie Jean Brolly sont doubles. Doubles parce que consécutives à une collaboration, mais aussi et surtout parce que les travaux des deux artistes ne se mélangent, ne se noient ni se fondent, mais s’adossent. Leur parti pris est de parvenir à faire de l’œuvre de l’autre un matériau de son propre travail. Travail qui lui-même se détache de la notion d’auteur unique en même temps il prend corps dans celui de l’autre.

Sans connaître la genèse de cette collaboration, on pourrait penser que seul le hasard régisseur d’un stock de galerie était la cause du rapprochement de ces œuvres. On n’y verrait une rencontre fortuite entre objets. Et deux-à-deux, ces objets seraient amusants, cocasses parce qu’accouplés, tristounets parce que par forcement fertiles, ce serait une anecdote de réserve. Or il ne s’agit pas de deux œuvres mais deux objets, et cette rencontre les a soudés, rencontre qui n’avait pas grand-chose de fortuit.

Comment cela se passe-t-il. Les dessins muraux de David Tremetlett jouxtent les éclairages de Michel Verjux. Quand l’un trace une surface, l’autre éclaire une ligne. Quand la matière grasse du premier est beurrée au mur pour former, au charbon, une épaisseur picturale et suave, le second grille et irradie cette surface en projetant sans retenue son œuvre dessus. La gifle est telle que le noir, frappé par la lumière, prend une couleur argentée, cendrée oserait-on dire. Seul le corps du visiteur permet en s’interposant de faire réapparaître la teinte d’origine des dessins. Réciproquement, la justesse des projections de Michel Verjux vacille. Alors que là où qu’il maîtrise ses supports, l’artiste démiurge minimaliste crée des astres lointains et impalpables, porté par l’intervention de David Tremelett, il se voit ramené à une proximité qu’il ne domine pas.

Ensembles, les deux interventions jouent avec leurs faiblesses, leurs présupposés ; les facilités s’effacent pour créer une étonnante articulation. L’esprit qui les observe est sans cesse troublé par ses habitudes mises à mal. Pour lui aussi les attentes deviennent des impasses. Et alors, cette œuvre – mais il y en a trois dans l’exposition – que l’on comprend être une et pas deux, tout en voyant bien qu’elle pourrait l’être sans presque rien y changer ; cette œuvre qui continue à nous questionner même après que l’on ait pris connaissance de sa conception ; cette œuvre, repousse encore et encore le moment où elle se laissera embrasser et comprendre.