La présentation des travaux des jeunes diplômés de l’école d’art de Rotterdam au Witte de With Center for contemporary art aurait pu s’apparenter à n’importe quelle présentation de fin de cycle. C’est en partie le cas. Pourtant, en proposant deux expositions parallèles dans le même espace, l’une regroupant les étudiants spécialisés dans le design et le communication, l’autre les étudiants en art, le centre d’art permet au visiteur de prendre la mesure de la proximité entre les productions de ces deux filières, et parfois même de l’absence totale de différentiations. Car comme dans toute cousinade, il y a des ressemblances, et parfois les filiations et les distinctions ne sont plus aussi claires que l’on aurait songé spontanément.

Le travail de Luis Soldevilla émerge fortement de la section design et communication. Machinery est une installation vidéo en quatre panneaux ; on y voit des engrenages, des roues dentées, des bielles, tout un mécanisme huilé et répétitif produisant le tri et l’empaquetage de piles de journaux. Les vidéos tournent en boucle, ça tourne d’ailleurs tellement bien que le visiteur abruti par le bruit et les saccades du mécanisme ne se rend même pas compte d’être revenu au début de la vidéo. Le tirage continu, métaphore de l’information, voyante et hypnotique mais totalement vide de contenu pour celui qui n’en perçoit que le mouvement, broie indéfiniment notre attention. Ce n’est qu’en se levant et quittant le banc que l’on peut commencer à mettre en perspective le spectacle auquel l’artiste nous a conviés.

Dans la section arts visuels, c’est une autre installation vidéo qui retient le visiteur. Every size and shape de Lars Brekke rassemble dans une petite pièce quelques vieux meubles rustiques, des plantes en pots, un vénérable fauteuil en cuir, un pouf, un aquarium avec une crevette dedans et, diffusée sur un écran de télévision, une vidéo où l’artiste nous explique sa mécanique des problèmes. De sa voix peu assurée il tente de nous ouvrir à une pensée globale où petits et grands problèmes s’imbriquent et se construisent mutuellement. Lars Brekke évoque leurs effets réciproques, leur insolvabilité ainsi que la possibilité de les combiner et de les modéliser afin de leur donner une échelle humaine. Mais à aucun moment il ne propose d’exemple. Tout à sa description on le voit prendre le bateau, aller et venir, proposer des plans fixes du ciel et des divers éléments de décors qui constituent le mobilier de l’installation : l’eau passe sous les ponts, la crevette grimpe sur une algue, Lars Brekke parle … À la fin, on n’en sait pas beaucoup plus, et pourtant le charme a fait son effet, nous sommes restés jusqu’au terme de ses explications.