Expecting de Pipilotti Rist n’a pas été conçu spécifiquement pour son exposition au Centraalmuseum d’Utrecht. Cette installation toute simple, faite de grandes tentures colorées, de patchworks légèrement vieillots, de vidéos et d’une bande sonore s’intègre pourtant parfaitement dans la chapelle qui l’accueille. La fraîcheur des vieilles pierres, blanches et nues, la douceur des étoffes laissant filtrer le soleil qui brille au travers des tissus colorés, bleus, verts, en patchwork, à motifs, oranges et jaunes, et puis le vide, le vide presque parfait de cet endroit aujourd’hui déconsacré et où, seuls, résonnent encore les pas des visiteurs, chalands de passages.

On y entre en traversant deux grosses tentures bariolées, derrière, six piliers nous mènent au cœur où là, le plafond prend de la hauteur. Une petite musique se déclenche, une pop sucrée à la voix féminine, quelque chose d’assez intimiste, d’un peu nostalgique. Au sol, plusieurs palettes ont été disposées de sorte à former un carré recouvert d’une plaque de plexiglas transparente. Sur cette pauvre estrade, chaire de fortune à peine haute d’une quinzaine de centimètres et tout juste assez grande pour y danser un slow, personne n’ose mettre le pied. Quelques spots apportent une lumière supplémentaire et donnent un léger dynamisme à l’ensemble, un air de fête qui s’étire comme un souvenir. L’atmosphère est confinée mais pas lourde.

La nef dispose d’un étage, mais on ne peut y accéder depuis le rez-de-chaussée. On le retrouve un peu plus tard, presque par hasard. Là aussi, pour entrer, il faut pousser un double rideau. On retrouve encore les mêmes tentures sur les murs. Mais ici, le centre de l’espace est occupé par un grand voile de dentelle blanche en forme une spirale. Sur celui-ci sont projetées des vidéos dont on ne distingue que quelques bribes. Il y a surtout des visages de femmes, souvent fort maquillées, parfois collées à une vitre, les lèvres aplaties, puis des cercles lumineux bleus pareils aux brûleurs d’une gazinière allumée.

On trouve en définitive assez peu d’éléments dans cette œuvre. Pourtant on se surprend très rapidement à construire une narration. L’estrade, les tissus, La chapelle et les dentelles, et puis la musique, tous chatouillent une corde sensible qui, le plus délicatement du monde, ouvre en nous une histoire connue. Ce trois fois rien de mise en scène fonctionne à merveille.