Comment garer 55 artistes néerlandais dans un parking ? Voilà la question à laquelle FatForm n’a pas décidée d’offrir une réponse cet été. La longue rampe serpentant sur trois étages qui accueillent l’exposition est un désordre véritable. Les œuvres s’y bousculent comme si elles avaient été répandues depuis le haut de la pente. Le visiteur doit naviguer à vue, mais l’accrochage n’en est que plus amusant, sans mécanique ni hiérarchie.

In/Out, l’une des premières œuvres que l’on rencontre, travail d’Hans van den Ban, consiste en cinq matelas disposés de sorte à former une double arche rembourrée de chardons séchés. Cette sculpture tenant debout on ne sait pour quelle gloire, arc de triomphe pour nains, ouvre benoîtement la voie aux autres travaux. Elle est à la fois une invitation est une mise en garde, l’exposition n’est pas là pour flatter le visiteur, ce qui est présenté ici ne vaut que grâce au regard qu’on y apporte – prudence tout de même en passant sous les échelles.

Un peu plus loin, on découvre les peintures de Jana van Meerveld. L’artiste y déploie des images fort colorées à l’instar de Present forever qui, de prime abord, ressemble à un volcan en éruption, larvé et boursouflé de coulées rougeoyantes. Mais, par-delà la première impression, on se dit que ce tableau pourrait tout aussi bien représenter un riche morceau d’étoffe ou un paysage fabuleux pour petits poneys. Il en va de même pour les autres œuvres de l’artiste dans lesquelles elle déploie des trésors ruisselants, cicatrices, et autres coutures ardentes et lumineuses, sans jamais réellement donner le fin mot de l’histoire.

Back to the Bone, sculpture en fibre de verre produite par Adam Colton ressemble à un vestige millénaire. Si le béton qui recouvre le sol n’était pas aussi dur, on croirait que ce fragment de carcasse poli par le temps, improbable trouvaille archéologique, aurait pu avoir été fraîchement extrait du sol. Pareille à un os à moelle géant dont l’émail vieilli aurait viré du jaune au blanc après avoir mijoté pour un hypothétique pot-au-feu, cette sculpture gît sans donner l’impression d’attendre quoi que ce soit.

Encore plus loin, Sam Geer van der Klugt présente de grands dessins sur bâches rehaussés de pastel. On y voit des paysages de forêts lointaines, pleines de broussailles et d’une végétation famélique qui peine à s’élever. Dans Happening, l’artiste a abandonné de gros bidons d’essence au milieu d’une clairière ; de deux d’entre eux jaillissent, comme pour une explosion, d’intenses rais de lumière, jaunes pour le premier, bleus pour le second, au-delà, dans les arbres, partout, une lumière opaque, blanche comme une fumée industrielle, remplit tout l’espace. Pourtant la forêt reste sombre, rien, pas même ce feu d’artifice d’opérette, pauvre mais réjouissant, ne parvient à l’illuminer. Inversement, dans Analoog, une autre des peintures de l’artiste, le centre d’une large plaine bordée de petits arbres est occupée par une structure tendue de voiles colorés qui filtrent et attirent le regard. Au travers le paysage a presque l’air joyeux.

Autre sculpture, 99113 tm 99118 de Klaas Kloosterboer. Elle ressemble à un hommage au minimalisme historique des années 1970. Mais c’est un hommage cheap, faites de modules en contre-plaqué et grossièrement agrafés pour former d’imposants pavés, que l’artiste a disposés en tas, sans ordonnancement, juste comme s’ils avaient été déversés là. Leurs couleurs enfantines, pastel, rose layette, jaune frangipane, vert amande, noir et blanc les rendent attendrissants, rien à voir avec les formes brutes auxquelles ils se réfèrent. Cette œuvre, jouet pour enfant déguisé en jouet pour artiste, en appelle à des souvenirs sensoriels lointains mais qui affleurent sans difficultés. On a envie de toucher, on se retient.

L’une des dernières pièces de l’exposition est l’installation de Schi Miyachi : The fiels – an exercice to be an optimiste, un espace en forme de cage dans laquelle on peut jouer un trou de mini golf mais dont la structure en fil de fer torsadé complique considérablement la réalisation du geste. On frappe la balle, elle rebondit, cogne, puis revient à nos pieds.

Il n’est pas interdit de rejouer.