Les expositions de groupe sont souvent l’opportunité de face-à-face que l’on n’aurait certainement pas imaginés tout seul. Ces occasions sont d’autant plus précieuses que, quand on ne connaît rien sur aucun des artistes présentés, tout est à inventer, tout est à élaborer, les rapports entre les œuvres deviennent presque un espace de création pour l’observateur qui pénètre ces dernières avec ses propres idées comme matériaux bruts. Plus que jamais les œuvres deviennent des supports pour toutes sortes de digressions éclairantes.

L’exposition de groupe présentée à la Galerie Paul Andriesse à Amsterdam est de celles-là. L’une des premières œuvres que l’on rencontre est celle d’Irene O’Callagan. Elle est composée de deux rangées de photographies superposées. La première montre des passoires métalliques renversées en lévitation dans un intérieur. Les ustensiles flottent ostentatoirement dans le salon comme s’il était parfaitement normal de les trouver là. Pour peu, on croirait que ce sont des abat-jours. En dessous, la seconde série de photographies montre une montagne recouverte de neige et de forêts. Les clichés ne diffèrent que peu les uns des autres, ils sont avant tout là pour créer une sorte de stabilité, pour souligner les habitudes du regard. Ainsi, les deux séries, l’une sous l’autre, forment un contraste amusant de paysages, chacun spectaculaire à sa manière.

On trouve un peu plus loin, une autre photographie de la même artiste. Aluminium Foll est une grande photo posée sur le sol, à même le mur, montrant un rouleau de papier aluminium de type alimentaire partiellement déroulé disposé sur une table. Le morceau de feuille que photographie l’artiste n’a l’air de rien, ou plutôt il ressemble grossièrement à l’architecture du Guggenheim de Bilbao, une version ménagère de l’édifice, pas moins creuse ni moins brillante. On peut bien s’imaginer ce que l’on veut, l’œuvre est un palimpseste sans fond pour qui a envie de se dérouiller le regard.

L’exercice tend à s’inverser avec Pruimenbloesem d’Anne Huijnen. Là encore, il s’agit d’une série de photographies épinglées au mur. Il y en cinq. À chaque fois, l’artiste a choisi comme support des images tirées de publicités ou de films érotiques, toutes montrent des femmes nues ou dans des poses lascives. Du moins c’est ce que l’on imagine du peu que l’on puisse encore voir. Car Anne Huijnen les a toutes rhabillées de petites fleurs. Les surfaces de corps ont été plantées comme des parterres, créent du coup une nouvelle profondeur et de nouvelles compositions. Le jardin redevient secret sous la fleuraison qu’a semée l’artiste.