À l’inverse de son habitude, Ji-Yeon a choisi pour son exposition à la Galerie Mari Cini de photographier des inconnus. Ces personnes, elle les a rencontrées à l’occasion d’une résidence en Bretagne. Elle ne les connaissait pas, ils ne se connaissent pas non plus. Pourtant, en entrant dans l’espace d’exposition, l’une des caractéristiques les plus immédiates de ces photographies est l’étrange familiarité qui lie les différents modèles.

La lumière mate donne le même teint à leurs yeux absorbés. Et tous ont cet air suspendu. C’est comme s’ils avaient été photographiés en un seul jour, unis dans l’attente de leur tour.

Pourtant, au départ, Ji-Yeon Sung construit ses photographies comme un dialogue. Le processus artistique découle de la relation établie. L’artiste s’assoit ; elle rend visite à ces modèles chez eux : ils ouvrent les fenêtres, s’occupent les mains en préparant du thé, puis livrent les quelques bribes de leur vie qu’ils avaient préparées pour l’occasion. Pendant ce temps, sans que le regard de l’invité prenne le dessus, il s’enfonce tranquillement dans les habitudes de l’interlocuteur. Petit à petit un dialogue s’initie, une sorte de fausse intimité qui rend suffisamment proche pour se laisser regarder, mais pas non plus assez pour complètement se laisser aller.

Ce sont des petites choses qui vont attirer l’attention de Ji-Yeon. Parfois le motif d’une tapisserie, la disposition des épaules qui s’y détachent, un passe-temps, des collages. Rien de tout cela n’est prévu à l’avance, et le processus ne dure qu’un temps. Quand les hôtes finissent par céder, l’artiste prend une image.

D’une certaine manière, on laisse Ji-Yeon nous photographier comme on ressort de chez l’analyste. On ne sait pas ce qu’il s’est passé, mais l’on sait que cela devait être. Et puis, dans tous les cas, c’est elle qui choisit le fauteuil dans lequel on s’assoit.