La grossièreté, les artistes de Gelitin en sont coutumiers. C’est presque devenu une forme esthétique propre aux quatre membres du groupe. Dans leurs tableaux collages ils mêlent divers objets à des photographies personnelles ou récupérées, ainsi que tout ce qui, d’une manière ou d’une autre, peut servir d’extension à leur imagination. En général, l’ensemble est lié à grand renfort de plasticine, une sorte de pâte à modeler régressive, dont la vibration grasse s’étire comme un rot sonore.

La plupart des tableaux exposés à la Galerie Emmanuel Perrotin sont abstraits, avec pour seule référence figurative, un œil planté dans une épaisse couche multicolore de leur matériau favori. La surface est totalement jouissive. Les doigts qui ont écrasé et barbouillé la matière grasse et sableuse y vont à cœur joie, ils s’y enfoncent avec délectation, fouillent et tambourinent du pouce d’un bord à l’autre du support, ne se laissant aucun centimètre de relâche.

Ces tableaux sont encadrés par des barreaux de chaises, arceaux, pieds de lit et autres morceaux de mobilier brisé disposés bout à bout. Leurs formes s’épousent en courbes et contre-courbes, ce qui leur donne des airs de miroirs baroques aux formes élégantes et raffinées. L’exposition toute entière baigne dans cette atmosphère d’aristocratie débridée et décadente.

Comble du snobisme et de l’incitation, les visiteurs ont à leur disposition de petits bancs, où ils peuvent s’assoir pour contempler et déchiffrer les rébus scatologiques disséminés dans les travaux accrochés aux murs. Connaissant le goût du bordel et de la fête permanente des artistes, on peut imaginer que ces bancs trop blancs sont des invitations à boire une bière les pieds en éventail, voire peut être – selon l’état d’humeur des visiteurs – s’adonner à quelques galantes conversations. En tout cas ce mobilier là est d’un seul morceau, impossible de l’envoyer valser pour le briser. La Galerie s’est employée à ne laisser aucune prise aux pulsions naturelles des Gelitin. Ou plutôt, celles-ci sont réservées à d’autres espaces que ceux de l’exposition. Mais la seule façon d’en avoir le cœur net, est de s’y faire inviter.