L’exposition en cours à la Galerie Jeanroch Dard mélange les travaux de sept artistes. Pourtant, en la parcourant, le premier sentiment est celui d’une intime et très fine continuité dans l’approche du dessin entre les œuvres accrochées. L’effet est y très réaliste, le trait doux et précis. Les objets de ces travaux sont lentement caressés et noircis pour atteindre l’illusion la plus élevée possible.

Cependant, ce n’est pas tant le sujet qui est questionné, que la persistance de l’image après qu’elle ait subi de multiples reproductions. Captée, copiée, photocopiée, découpée, décontextualisée, l’image chargée de sens en amont est déviée en aval par les artistes qui, en la choisissant, en s’en emparant, la neutralise et pour finir la réinjecte, identique mais totalement neuve.

Le travail de Nyeema Morgan est symptomatique de ce constat. L’artiste agrandit sous son crayon la couverture de livres. Mais, ce faisant, les montrant, et d’une certaine manière en en faisant la promotion, elle les ferme à tout jamais. Le texte de Extraordinary Popular Delusions and Madness of Crowds contenu sous sa couverture parfaitement reproduite ne s’ouvrira pour personne. Le volume disparaît. Tout pourrait s’arrêter là, mais la désillusion mimétique causée par la technique hyper réaliste de l’artiste ouvre aussi la porte à une infinité de réécritures. L’œuvre devient – un peu malgré elle – un point de départ narratif.

Un peu de la même manière, les pages photocopiées d’anciens manuels scientifiques, que la Suédoise Jenny Åkerlund duplique, invoquent des souvenirs mais en taisent le contenu. Ces passages sont des pansements, des empreintes, portant la trace d’un corps qui aurait disparu. À chaque fois la perfection de la technique employée par l’artiste se heurte à son degré de reproduction.

Le trouble est flagrant dans l’œuvre de Brian Fay. Pour 3 Stages Restoration Vermeer, celui-ci reprend des photographies de La jeune fille à la perle. Le modelé du visage se mêle au plan craquelé de la toile, trois fois reproduit en noir et blanc à des échelles différentes. Plus rien n’est vrai. De la même manière, dans Now Now de Frank Selby, on voit l’image reflété sur une vitre d’un groupe de femmes manifestant. L’essentiel de celle-ci est parfaitement lisible, mais le simple fait de deviner que l’image est partielle insère le doute dans notre esprit. Qu’a-t-on vraiment sous les yeux ?

Pas de réponse, mais à chaque fois la question reposée.