La mesure est au cœur de nombreuses œuvres d’art, mais que mesure-t-on, comment et pourquoi ne sont pas tellement les questions. C’est la mesure comme production d’objet descriptif, l’écart entre cet objet et l’intervalle duquel il est issu, qui concentrent l’attention des artistes rassemblés dans cette exposition de groupe.

Dans le premier espace sont rassemblés plusieurs objets très divers. Au fond, une règle est fixée au mur. Rodolphe Delaunay a gradué Mesure pour mesure selon la répartition du doigté des flutes à bec baroques. La différence avec une flute classique est imperceptible pour les néophytes, pourtant la courbe que dessinent les trous sur l’acier évoque immédiatement le balancement d’une mélodie. Mais celle-ci est sans chaleur, fixée dans le métal, cristallisée dans une flute étalon. Un peu de la même manière, Raphaël Zarka et Guillaume Constantin ont suspendu tout à coté Mystery board, un rouleau de liège aggloméré, normalement utilisé pour l’insonorisation. Ici il n’isole rien, les artistes y ont découpé de grands pans formant en réserve des motifs géométriques répétés. Ces dessins ne sont pas sans rapport avec le matériau, ils reprennent les graphiques tracés par le scientifique polonais Ernst Chladini au cours de ses expériences sur le déplacement et l’ondulation du son. Ainsi, le bruit et sa contention sont matérialisés pour n’être plus ni l’un ni l’autre, mais la tenture souple de leur fossilisation.

L’exposition présente aussi plusieurs travaux sur papier de petits formats. Ils sont l’œuvre de Jean-Baptiste Couronne et de Marine Pagès. Le premier opère à partir de photographies. Il en délimite des plans de surfaces, les recouvre de blanc et dédouble cette surface comme s’il les dépliait. Ceci a pour effet de créer une symétrie et d’ouvrir de nouveaux espaces dans les photographies. Leur ordonnancement s’en trouve tout chamboulé, la circulation du regard est détourné et n’arrive plus à se fixer. Les parallélépipèdes blancs agissent tels des toboggans pour l’observation. Les dessins de Marine Pagès sont eux bien plus stables. L’artiste crée une topographie faite de sillons. Ce sont des traces sur un sol de terre, comme des fondations affleurant à la surface de champs longtemps après que les édifices qui s’y tenaient aient été détruits. Ces marques forment entre elles des grilles et des réseaux. Plus rien de solide ne subsiste, mais mentalement, on peut y projeter toute l’architecture que l’on désire.

Au sous-sol plusieurs sculptures se côtoient. Il y a là des moulages d’angle recouvert d’une pate coloré bleue et jaune, semblable à des coffrages que l’on aurait laissés sur place. De sorte que les sculptures de Jean-François Leroy offre à la fois leur construction et les modalités de celle-ci.

Dans le dernier espace, presque trop petit pour la contenir, un instrument en bois clair qui ressemble à un astrolabe sphérique, peut être un globe. Elle s’avère être une sculpture de Vincent Mauger : Gravity is dead et contient en son cœur un escalier en colimaçon.