La mise en œuvre du travail de Tadashi Kawamata dans un nouveau lieu a toujours pour corolaire une exploration systématique des déchets ménagés du quartier où son œuvre vient se greffer. La galerie Kamel Mennour qui accueil l’artiste devient le temps d’une exposition l’épicentre de cette recherche ; que trouve-t-on aux abords du sixième arrondissement de Paris ? Essentiellement des morceaux de bois, des rejets de consommation mobilière, cheaps mais pas forcement agglomérés, du bois de pacotille, souvent teinté foncés plutôt que clairs, des débris bourgeois en somme. L’artiste transforme ses trouvailles en une longue houle suspendue formant une pergola de fortune qui commence dès l’entrée de la cour de l’immeuble et surplombe le visiteur tout le long de sa visite.

L’installation se poursuit donc dans la galerie et la plonge sous une ombre douce et silencieuse. En levant les yeux sous l’ondulation on perçoit la lumière parvenant de la verrière, mais aussi celle non naturelle dispensée par les néons et les spots. Rien de vraiment distinct ne filtre au travers, rien d’autre que le motif plus ou moins répété d’une porte de guéridon fracassée et vissée sur un plateau de table basse. Toutes cette production honteuse, ces traces de vies arrachées à l’oubli mais laissées dans l’anonymat qui caractérise nos allés retours quotients au local poubelle. Mais d’une manière plus global nous somme sous l’évocation des nappes de détritus qui flottent et dérivent au milieu de l’océan Pacifique, formant ce que l’on appelle le septième continent.

Ces quelques tonnes de bois gaspillé pour les besoins de l’installation ne sont rien comparées aux montagnes flottantes auxquelles elles se référent. Mais ici elles sont échouées, et condamnent l’horizon en même temps qu’elles imposent hauteur sous plafond. Pourtant, perçue par en dessous cette marée n’a rien d’anxiogène. Cette métaphore de l’asphyxie des océans ne nous prend pas à la gorge. En observant bien on finit même par voir les vis utilisées par l’artiste pour maintenir l’ensemble. Elles sont toutes du même calibre, enfoncées régulièrement dans les bois, et formant un réseau cuivré, une sorte de constellation mécanique sous la chape de meubles.

Ainsi, d’une certaine manière, ce que signale le plus instamment ce travail n’est pas tant la gravité de notre impact sur les océans que notre capacité à nous complaire à l’ombre de celui-ci.