En arrivant au MAC, après avoir arpenté la sucrière, la visite bascule dans une approche plus classique de l’art. Le plan des salles est complexe, sur plusieurs niveaux, et surtout sans fenêtre. Dans la première salle un pan entier de plancher a été découpé du sol par Gabriel Sierra, dressé. Au premier abord le morceau fait l’effet d’un mur, mais on le contourne aisément. Et là, on s’approche pour voir l’espace l’on découvert. Sauf que surprise, il n’y a rien, rien d’autre que la surface lisse et grise du béton. En révélant l’envers du musée l’artiste nous indique le plus simplement du monde qu’il n’y a pas de magie, pas de secrets dernière ces murs.

On pénètre en suite dans ce qu’il convient d’appeler une salle des tortures. Eva Kotalkova construit des machines à contraindre, pour cela elle met en forme des structures de formation et de déformation de l’esprit. Partout elle utilise des photos d’enfants, l’éducation est au cœur de ce travail. Mais l’on ressent rapidement que pour elle, les formes d’éducations sont avant tout des formes de rééducations. Ces images sont toutes des corsets pour la pensée.

L’œuvre de Luciana Lamothe participe un peu du même mouvement. Plan est une sculpture formée d’équerres, de planches de bois et d’armatures métalliques fixées à un mur. Toute en contraintes, elle plie sous son propre poids, et n’est que souffrance de ses matériaux. S’en est presque un calvaire de la voir, et l’on est tenté de s’emparer d’une visseuse pour la décrocher et la soulager. À son extrémité est posé un livre, il a l’air neuf, prêt à l’emploi, et l’on comprend alors que toute la machinerie sur laquelle il repose n’est que l’expression du travail de l’artiste. Le livre est le produit fini, mais ici on voit pourquoi et comment il s’est fini, et c’est effrayant.

Plus loin dans la visite, la commissaire de la biennale réussit à réunir Marlene Dumas, Cildo Meireles et Giacometti dans la même salle. Le face à face n’est pas inintéressant, mais vraiment fertile non plus. L’œuvre de Cildo remplit tout l’espace au sol. La bruja 1 est fait de km de fils dans lesquels on se prend les pieds constamment. L’œuvre est amusante et agaçante à la fois, amusante parce que ne pas s’étaler devient un enjeu, et agaçante parce que l’installation occupe tout notre attention, la dérobant aux autres œuvres présentes. Parmi elles, les dessins d’Elly Strik sont attirant autant que repoussant. Ils figurent des têtes envahies de cheveux. Les poils sont une telle obsession de l’artiste qu’il y en a partout. Derrière ces rideaux pileux les visages sont enfermés, morts étouffés, momifiés. À l’opposé, les grands dessins de Marina de Caro sont d’une grande vitalité, ces fleurs ou ces explosions – selon comment on les aborde – témoignent gaiement de la poigne et de l’entrain qui les a vu naître.

Parmi les nombreuses œuvres sur papier que renferme le MAC il faut aussi compter sur les origamis dépliés de Bismuth et le travail de Milan Grygar. Ce dernier  associe au minimalisme des questions de circulation du regard, de labyrinthe visuel, pour mettre en place un entêtant plaisir optique.

L’ultime destination officielle de la Biennale est l’usine T.A.S.E. À l’intérieur rien ou presque ne vaut le déplacement. Mais à l’extérieur Marienbad de Jorge Macchi vaut tous les détours. Le geste de l’artiste est simple ; il dispose un jardin à la française au milieu du terrain vague qui sert d’esplanade à l’usine désaffecté. Les gravats côtoient les taupières, et les allées de gravier calibré sont entourées du bruissement du vent dans les sacs plastiques abandonnés, magistral, et c’est sans même avoir évoqué le rapport au film de Resnais. À ne pas rater non plus, le Kiosque Veduta qui n’est qu’une sorte de très grand échafaudage qui ne s’appuie sur rien. Il n’y a que la structure, et elle est très belle. Initialement des balançoires y avaient été fixées, mais de petits malins sont venus se servir, ne reste donc plus que les bouts de cordes pendouillantes.