À contre courant de la Saône et du Rhône il est préférable de parcourir la Biennale de Lyon du Sud au Nord, on commence donc avec la Sucrière, située à l’extrémité de la presque île. La friche industrielle qui offre le bâtiment à l’événement est constituée de trois niveaux au dessus des quels est installé l’un des plus agréable café de Biennale qu’il soit, la vue y est panoramique, imprenable. Mais que voit-on avant d’y arriver ?

Un premier hall s’ouvre sur de grand rideau de kraft rêche et coloré d’Ulla Von Brandeburg qui met le visiteur en conditions, ici comme ailleurs, le décor chatoyant, et parfois grandiose, s’accompagne d’une texture désagréable au touché. D’ailleurs, juste après, on trouve entassé les cercueils de Barthélémy Togo. The Time en dispose 55, un pour chaque pays d’Afrique. Ils sont coupés dans un bois clair, peu cher et encore frais, leurs dimensions sont variables, probablement en fonction des leurs hôtes supposés, bref, ils sont prêt à l’emploi. Difficile d’estimer si l’artiste, passé à l’ouest, les a préparés pour les dirigeants, ou s’il souligne seulement la chair à cercueil que constitue la population africaine.

Juste à côté, une structure circulaire haute de plusieurs mètres obstrue tout l’espace. Cette grande prison fermée sur elle-même, dont Robert Kusmirowski est l’auteur, contient une grande quantité de livres et ce qui ressemble à une grosse broyeuse. L’intérieur n’est visible qu’une fois atteint le second niveau de l’exposition. De là haut, ouverte, l’œuvre et les signes de mémoire d’elle renferme, se laissent surplomber par le regard.

Derrière ce mastodonte d’acier, une drôle de scène se joue pour le visiteur. Un homme nu tente de déplacer le bâtiment. La beauté brute de son corps s’associe au claquement mou des sangles qui le rattachent aux piliers du lieu. Evidemment il ne va nulle part. Il aurait pu être Atlas et soutenir le monde, mais vainement, il a choisit de le pousser. Ainsi va l’art contemporain a-t-on envie de siffloter avec Laura Lima

Un peu plus loin on joue Breath de Becket. L’espace clos qui renferme la scène est fermé par un long voile noir, au centre il y a des bancs pour prendre place. Tout est en place, sauf qu’en dehors des heures de représentation rien ne s’y passe. Les visiteurs s’y entassent pour rien. Mais pas tout à fait, parce qu’en s’approchant du font la transparence du voile découvre l’autre coté que l’on ne percevait pas d’un peu plus loin. Derrière, un monde de détritus apparait par surprise alors que l’on s’apprêtait à tourner les talons. Bien qu’il ne soit pas l’œuvre, ce moment d’étonnement pourrait se suffire à lui-même.

Le premier étage dispose d’œuvres de moindres dimensions. Les céramiques de Katinka Bock y sont un peu partout. Ces morceaux et ces formes écrasés, négligés, flétris, nonchalants et abandonnés, de ci et de là, jalonnent la visite et s’accompagnent des travaux d’une autre sculptrice Erika Verzutti. Elle, construit son travail à partir de formes de fruits et par association d’allure, d’attributs sexuels. Par contre, ils ne se mangent pas.

Le second étage rassemble beaucoup d’œuvres à visées scientifiques. De Robert Fillou au Artic Perspective initiative, en passant par les fusée civile Libanaise de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, les vides et les pleins de la science sont souvent mis à profit ici. Une œuvre se distingue pourtant par la malice qu’elle met en jeu. Le fil rouge de l’histoire… de Roberto Jacoby associe une pile de vrais billets de banque au texte de l’usage caritatif qui en sera fait. La tentation de prendre l’argent est palpable, l’artiste en joue et le visiteur se trouve devant un faux dilemme. Il ne prendra pas l’argent, mais il ne lira pas non plus tout le texte, d’ailleurs celui-ci est écrit de plus en plus petit à mesure qu’il avance. L’œuvre met brillamment en lumière le miroir aux alouettes de notre bonne conscience, de notre avidité et de notre couardise.