L’exposition s’ouvre sur un grand tableau fort abîmé de Guillaume Guillon, Le serment des ancêtres, sur lequel deux militaires, un noir et un mulâtre, prêtent serment sous les bras de dieu le père. L’œuvre, dont l’histoire à elle seule aurait valu qu’on lui consacre une exposition, semble être le pivot de rassemblement – pas si éclectique – proposé par Le Clézio.

L’écrivain détail à cette occasion les destinations qui font déjà son œuvre littéraire. L’Afrique, les Caraïbes, Haïti en premier lieu, le Mexique et l’Amérique latine par extension, et l’Océanie via Vanuatu, sont principales origines de la récolte ethnographico-artistique accrochée dans la chapelle du musée. Le dépaysement est assuré, mais se musée monde ne connaît ni l’Asie, ni l’Amérique du nord, ni le Moyen-Orient. Cette interrogation qui pourrait être gênante, devient périphérique au moment où l’on saisit que ce monde musée n’est que celui de Le Clézio, et que tout ouvert soit-il, il n’en est pas moins fermé dans ses limites. La comparaison lancée avec Malraux ne vaut qu’à condition que l’on comprenne que les deux écrivains sont séparés par la volonté encyclopédique et Humaniste du politicien.

On trouve donc de nombreux naïfs caribéens dans cette exposition, ce sont certainement les artistes que l’invité a dû croiser le plus souvent lors de ses séjours. Un mur rempli de ces peintres et peintures bigarrées se termine en toute logique par deux tableaux de Basquiat et de Télémaque. La prolifération des premiers comparée au monde de l’art contemporain des seconds souligne clairement qu’il n’y a pas de déterminisme dans un terroir ; une myriade de peintres de plage peut côtoyer le travail construit, et nourrit de classicisme d’artistes occidentalisés sans que les dissonances ne gâchent l’ensemble.

À l’opposé de la salle c’est le Mexique qui est à l’honneur. On y trouve une belle collection d’ex-voto. Cette tradition populaire et catholique dépasse le simple cadre rustique de l’art religieux, l’expression de la ferveur y trouve des résonances contemporaines absolument inédites. Cette fois-ci Bertrand Lavier à été choisit pour chapeauter le tout. Plus encore qu’ailleurs, son travail de pastiche des grigris via le métal précieux, et de détournement des codes de présentation des artefacts conservés dans les musées occidentaux, fait grincer les dents une fois exposé aux cotés des objets qui ont inspirés ces œuvres. Mais c’est la règle du jeu proposé par Le Clézio, les gentils regards d’européens culpabilisés sont découpés à la machette face à la réalité des métissages et des survivances. Il n’y a pas de dilettantisme dans cette exposition, et c’est essentiellement pour cette raison qu’elle prête le flanc à la critique. D’ailleurs elle s’achève par la vidéo de Camille Henrot, Coupé / Décalé. Celle-ci résume parfaitement, les implications du regard touristique sur toute forme de créations. Car en ethnologique, art comme en physique le regardant modifie immanquablement l’objet de son attention.