Une exposition de Wolfgang Tillmans est toujours un piège pour le visiteur car le statut de ses photographies est indéfini, le photographe l’oblige à abandonner ses habitudes d’appréciations.

Dans ce travail, rien n’est donné franchement, l’artiste est le curateur de son propre regard, le curateur de son monde et l’appareil photographique n’est qu’un outil. Tillmans n’hésite pas à le distordre, à multiplier les matériaux et les dimensions. Les images sont le plus souvent accrochées au mur à l’aide de pinces, mais elles peuvent aussi bien être scotchées ou enfermées dans des boites de plexiglas. Pour chaque pièce l’artiste se repose la question de l’agencement réciproque des images, les tout petits formats – 10×15 – impliquent la même attention que les grands tirages. Il n’y a pas de thématique, presque pas de sujet, les photographies abstraites côtoient les natures mortes, les morceaux d’architectures deviennent des plans colorés, des agencements de lignes sont elles mêmes mises en abîme par le quadrilatère du tirage dans la déambulation de la visite.

En s’arrêtant au centre de l’exposition, les œuvres éparpillées autour de nous, on est pris par le sentiment que l’exposition est presque un diaporama. À la différence près que les images ne sont pas regroupées, ici nos déplacements constituent une scénographie préméditée par Tillmans.

D’ailleurs il n’y a peu de présence humaine dans ce travail. Pourtant cela est presque imperceptible, l’intimité qui se dégage de ces images nous implique et nous renvoie à notre propre présence, et à notre regard comme s’il était le premier à observer la beauté ingénue qui nous fait face.

À part dans l’exposition, Kopierer est une vidéo montrant ce qui ressemble à un écran. L’image est régulièrement zébrée par des flashes lumineux qui passent, et par-dessus on perçoit le bruit d’une machine. On apprend que c’est une photocopieuse, un outil qui dans sa répétition et sa mécanique scande le temps à mesure qu’il dégrade l’image. Cette dernière œuvre pourrait être une métaphore du travail de l’artiste, un doute qui se répète, semblable, coincé entre une demie-indifférence de la chose et l’exigence de ne surtout pas la manquer.