L’artiste coréen Byung-Hun Min bénéficie d’une rétrospective à la Galerie Particulière. La première partie de celle-ci inclue les nus et portraits de femmes du photographe. Dans un second temps seront exposés les paysages. Ce double moment ne s’explique pas par la quantité d’images, mais par le temps qu’elles impliquent. Ce travail est lent. On le ressent immédiatement, quand, face à lui, nos regards ne parviennent plus à sautiller. L’ensemble présenté crée une douce continuité faite d’absences, ni geste, ni regard, ni aucune urgence ne viennent nous prendre par la main. Cette continuité maintient le visiteur dans un entre deux où se mélange curiosité pointue et laissé allé aveugle.

Mais alors, qu’y a-t-il dans ces photographies ? Des femmes, mais essentiellement une. Ou plutôt la femme, on la retrouve de dos, de face, nimbée dans une infinité de teintes grise dont les grains forment un coussin contre lequel on rêverait de pouvoir s’appuyer un instant. On ne distingue pas les traits des modèles, le contour de leur visage est comme un vague souvenir hautement esthétisé. Un souvenir presque imaginaire tant il se fond dans l’idéal des souvenirs. On s’y perd, et l’on aime à s’y perdre.

Au bout d’un moment on se pose vaguement la question de la technique. Même en sachant qu’il s’agit de photographies, le touché du dessin ne semble pas loin. À certains moments l’artiste à l’air en jouer. De petits espaces de doutes apparaissent de temps à autres. Une mèche de cheveux plus appuyée que le reste de la photographie nous retient ici. Le visage auquel ils appartiennent est bien loin, de lui rien n’est clair, seuls ces quelques cheveux recourbés sur le front indiquent la proximité de la vie. L’expérience s’apparente au premier moment qui fait le réveil, quand nos yeux fermés repoussent les paupières et que nos cils collés les retiennent. La lumière s’engouffre, mais elle est faible. Le noir est encore là, mais il s’enfuit à toute vitesse. Il y a quelque chose, quelqu’un devant nous, mais il n’a pas encore franchi la nuit.

C’est ce passage, où tout à la fois peut être juste, cet infime espace, où le proche et le lointain parviennent à être vraisemblablement présents, que le photographe capte dans ce travail.