Rarement montrée, l’œuvre de Judith Scott est visible dans la sacristie du Collège des Bernardins.

Ce travail consiste en des enchevêtrements de fils et de tissus enroulés autour de noyaux dont on ne comprend presque jamais la nature. Dans ces amalgames de matières et de couleurs Judith Scott recouvre et embobine, elle noue et tresse bout à bout des chutes de fils, de ficelles, et de laine. Elle le fait mécaniquement, sans régularité ni irrégularité. Cette œuvre, qui vu d’ici, semble avoir causée toutes les misères du monde à son auteur, se resserre, fil après fil. Mais il n’y a pas de malice derrière cela, ce n’est pas un nœud gordien. Ce paquet de lignes, ce judicieux gribouillis, trouble et libre, enraye toutes lectures de surface. Les pelotes qui en résultent ont la couleur des allés et retours de matières. Elles sont tendues d’une force intérieure, qui, agrippée à elle même leur donne l’air de greffons recroquevillés. Ces organes – si l’on accepte de les voir sous cet angle – sont secs, momifiés. Ils auraient été extrais et recousus pour former la créature d’un docteur Frankenstein aveugle et mal habile.

Bardés de coutures, les morceaux de cette viande et de fibres sont disposés sur deux espaces bleu-gris. Soclés, tout comme le sont les artefacts d’arts premiers. Ici la scénographie ne fait pas dans le détail. Ces structures, lisses et géométriques, indiquent cliniquement qu’elles supportent l’objet de notre attention. On le comprend immédiatement, avec un regard d’anthropologue qui ne se préoccupe pas de douceur.

Pourtant c’est bien la production d’une femme blanche et d’occidentale que l’on nous montre. Et il n’y a pas d’ironie dans ces totems, nous ne somme pas chez Bertrand Lavier. Le statut de ces œuvres est d’autant plus complexe et inconfortable que le visiteur, coincé dans ses habitudes, se reporte à la notice de l’exposition où on l’assure que Judith Scott était bien folle, enfin presque, elle était handicapée.

La sacristie du collège des Bernardins est haute et blanche. Pleine de clarté, peut être un peu trop. Car dans cette lumière l’art a la dent dure.