La Galerie Daniez et De Charette qui est coutumière des expositions en terrain inconnu s’est vu inviter à exposer une sélection d’œuvres chez le bloggeur Lunettes Rouges. Sept artistes sont soumis aux meubles et aux habitudes du petit déjeuner de l’auteur, mais cette fois ci l’exercice se complique puisque tout un chacun est invité à venir confronter ses regards.

Le rituel est le même qu’en se rendant chez n’importe quel collectionneur. Le code de l’immeuble, les escaliers, l’odeur du diner des voisins, et en haut, la porte qui ne donne pas sur un white cube. Un petit vestibule accueille les visiteurs. Le plafond n’est pas très haut, les portemanteaux pleins, et aux murs on trouve les dessins de Lucas Ruiz et de Claire Vaudey. Les premiers ont l’air de pelotes de réjection ouvertes. Sauf qu’à l’intérieur il n’y a pas d’os, rien qu’une matière filandreuse à la fois revêche et soyeuse qui semble se débattre contre l’intrusion que nous leur imposons. En face, la matière fluide du travail de la seconde diffuse une lumière hypnotique. Les sujets sont faits de débris de matériaux plastiques enchevêtrés, des grillages que l’artiste réduit à des réseaux colorés, fluo et impalpables comme des lucioles.

Les œuvres sur verre d’Anaïs Ysebaert ouvrent sur l’espace principal, le lieu de vie et de travail de l’appartement. Elles figurent de petites têtes détachées de leurs corps mais ayant conservées leurs cous. Ce ne sont pas des poupées vaudou ni des têtes réduites d’Amazonie, mais elles sont toutes noires et rabougries et vous regardent avec insistance.

Plus loin les paysages décharnés de Kristina Heckova sont en vis-à-vis du travail épidermique de Mathilde Roussel. Les uns paraissent lointains, asséchés, presque arides, les autres, collants, souples et contractés. Mais dans les deux cas on retrouve le même souci de l’espace blanc qui disparait sous le dessin.

Le crayon de Mathieu Bonardet est moins appuyé, il balaye les feuilles de dessins de coups gris comme de la cendre. Les paysages qui résultent de ce travail sont toujours à deux doigts de disparaître, pourtant ils sont tracés au cordeau. Cette articulation entre leur non matière poussiéreuse et leur dirigisme autoritaire nous bloque et nous force à cligner des yeux.

Pour finir, sept zippos gravés par Léo Dorfner sont disposés en ligne. Sur leurs faces, à chaque fois un visage connu, Guy Debord, Stanley Kubrick etc. Des visages que l’on peut tenir dans ses mains et faire cracher du feu. Ce qui, sans ironie, peut s’avérer utile dans l’antre du moins complaisant des commentateurs d’art.