Au centre de la salle qui accueille l’exposition se trouve une maquette d’environs un mètre sur deux. Elle représente un morceau de campagne, avec sa ferme et ses dépendances, l’orée du bois, le travail des champs, une route bordée de graminées, une piscine, une maison, une voiture. Tout y est conforme, idéal et coloré, prêt à l’emploi. Pourtant on a beau chercher, on ne trouve pas âme qui vive. Pas même un animal.

Aux murs qui entourent la maquette sont accrochées une dizaine de photographies au grain très mat. Ces images de tailles moyennes n’ont rien pour impressionner, elles reprennent certains des détails de la miniature. Toutefois, ici plus rien ne semble plus pareil. À la quiétude du paysage bucolique viennent s’ajouter des éléments de narration. Là un accident de voiture, ailleurs les débris d’une tornade, un chien qui erre autour de la mare, le jardinet dévasté ; mais surtout on commence à croiser quelques visages et leurs ombres. Sur l’une de ces photographies le tracteur de la ferme a été renversé, sur une autre image une femme tond tranquillement la pelouse. Partout les allusions à un événement, que l’on devine mais l’on ne comprend pas, nous poussent à observer plus attentivement chaque photographie. Peut être l’une d’entre elles peut nous donner la clé de ce qu’il s’est passé. Mais rien n’est sûr, d’autant qu’un élément vient perturber encore plus ce désordre. On ne trouve pas un homme sur toutes les photographies. Cela ne veut peut être rien dire, peut être qu’ils sont parti à la guerre, peut être que cette ferme est exclusivement féminine. Un doute subsiste tout de même, la seule présence masculine pourrait bien être ce corps allongé que l’on devine par les pieds.

L’exposition montre aussi un petit film tourné dans un décor qui pourrait être la maquette. Contrairement à celle-ci qui est éclairée par une lumière zénithale rappelant les après-midis d’été, la vidéo se déroule en pleine nuit. La caméra se déplace relativement vite et donne au tournage une esthétique amateur. On ne distingue pas grand-chose, mais par contre on entend les bruits de pas dans les herbes sèches. Tout comme les photos, cette course nocturne dévoile qu’il s’est bien passé quelque chose, sans pour autant rien nommer.

Ce faisant, l’artiste qui aurait pu choisir de raconter quantités d’histoires différentes, passe à côté de l’occasion de réinterpréter La petite maison dans la prairie, pour choisir le Projet Blair Witch. Angoisse.