Une vie bien remplie est le titre de l’installation qui occupe l’espace principal de l’exposition du Nantais à Montréal. Elle est composée de vingt écrans que l’artiste à disposé sous la pénombre du grand hangar en béton. Chacun d’entre eux diffuse en accéléré une scénette inspirée de la vie quotidienne. On y voit l’artiste se raser, battre des œufs, faire sa gym ou encore lire le journal. Dans le fond, derrière les petits écrans est projeté un montage dans lequel l’artiste évolue parmi toutes ses images. Le regard hagard et la bouche bée, il apparaît pris dans une boucle qui répète encore et toujours la même frénésie, les mêmes gestes.

À l’intime servitude succède : Nantes, projets d’artistes. Il s’agit d’un faux reportage fait de faux documentaires. La ville de Nantes y est laissée en pâture à des artistes en vue d’une réhabilitation urbaine. Les réalisations ne manquent pas d’humour et Pierrick Sorin d’auto dérision. Ce qui aurait pu devenir une satire sociale échoue à tous les niveaux, prenant le contre-pied des boulevards et des idées toutes faites sur les liens entretenus par l’art et l’habitat L’artiste s’emploie à démonter la vanité du discours de l’art et du ré-enchantement que l’on voudrait bien nous faire gober. La vidéo se regarde sans que jamais l’on sache vraiment si c’est du spectateur, du monde de l’art, ou juste de lui-même que Pierrick Sorin se moque.

L’exposition ne se prend pas pour autant au sérieux. Et propose aux visiteurs Aquarium aux danseuses ainsi qu’un autre de ses Théâtre optique où figure une personne  qui court sur un tourne disque. Ces petites distractions d’humeurs, sortes de mouvement perpétuel en image, chronophage et creux, sont des monuments au temps perdu à consommer. Ils prennent tout leur sens quand on les découvre après avoir marché pendant une heure pour trouver le fameux centre d’art qui les expose.

L’un des plus célèbre Auto-filmage vidéo de l’artiste est aussi présenté. Dans ce cruel exercice on voit Pierrick Sorin, à quatre pattes, habillé de lingerie féminine, s’observer le derrière par le biais d’un système reliant une caméra pointé sur son cul à un écran sous son nez. La vidéo ne dure pas très longtemps, et comme les autres elle est projetée en boucle. Les images sont ridicules, désobligeantes et gênantes d’authenticité, mais l’on peut détourner le regard de ce miroir masturbatoire. Par contre la bande son lubrique qui répète à l’infini les mêmes commentaires cochons ne se laisse pas fuir aussi facilement.

La première et la dernière installation vidéo datent de 1993, la seconde de 2000. Comme la plupart de ces œuvres elles ont été conçues dans les années 1990. À les décrire on n’en rend pas forcement compte, mais leur esthétique visuelle accuse le coup. Le travail de Pierrick Sorin est tellement imprégné dans les formes qu’il pointe du doigt que même l’Aquarium aux danseuses réalisé en 2010 est imbibé de cette époque. En les découvrant vingt ans plus tard, les souvenirs qui émergent de la mascarade qui a caractérisé cette période se mêlent aux faits et à leur dénonciation. Ces marqueurs temporels avec lesquels l’artiste joue ont mal vieilli et c’est là que le piège se referme sur le visiteur, quand se sentant touché par les thèmes abordés, il comprend que ce qu’il pensait dépassé est toujours là. Juste maquillé différemment.