La Maison Rouge n’a jamais caché son goût pour l’exotisme, un penchant qui a dû peser de tout son poids lors de la décision d’aller faire un tour chez les trappeurs canadiens. Mon Winnipeg est le premier volet d’une série d’expositions explorant l’art contemporain du bout du monde. Cette forme de tourisme très en vogue avait déjà fait parler de la Chine, de l’Inde et d’Afrique, mais le cas présent est encore plus troublant puisqu’il s’agit d’un pays occidental. Un endroit néanmoins connu pour être la ville la plus triste du monde.

Un premier aperçu de contextualisation nous est donné par les photographies de Noam Gonick. Ces tirages 10×15 simplement disposés au mur sous la forme de calligrammes dépeignent une ville grise et en voie d’abandon. On y voit quelques personnes grasses et crasseuses traînent sous l’ombre des tôles ondulées sur fond de zone post-industrielle.

En continuant la visite il est frappant de voir à quel point les références de ces artistes sont proches de celles qui sévissent ailleurs. Ces hommes du grand nord ont beau être tiraillés par l’esprit du trappeur qui leur colle à la peau et une modernité lointaine vieillotte, les formes et les questionnements sont les même. Le travail de Marcel Dzama par exemple, remplacez les caribous par des cerfs, les uniformes canadiens et les chapkas par n’importe quels autres, vous obtiendrez des aquarelles et des installations sans AOC.

Les première salles ont un petit air de brocante, les murs sont juste assez blanc pour que l’on n’ait pas le sentiment de se trouver aux puces. D’une manière générale ça sent la naphtaline : les meubles de grand-mères aux tissus jaunis sont entourés de photographies aux cadres dépareillés et d’animaux naturalisés, une table basse rassemble quelque vieux journaux, encore un peu et l’on se servirait un café. Cela dit il faut admettre qu’ici la taxidermie s’inscrit naturellement dans le paysage, cette marotte de l’art contemporain n’a jamais été aussi alaise que sous ces cieux. Ce qui ne va pas sans troubler la visite, à tout moment l’ombre de Maurizio Cattelan peut s’abattre comme un réflexe.

Toute une salle est consacrée à Sarah Anne Johnson. Mis en conditions par les œuvres précédentes on l’imagine telle une sorcière recluse dans sa cabane, fabriquant ses sculptures et bidouillant ses étranges photographies pour faire peur aux enfants trop curieux. Ses collages et ses dessins ont un arrière plan de conte de fée où tout a mal tourné. La maison de poupée qui occupe le centre de la pièce est là pour en témoigner, à observer ce qui s’y passe on jure qu’elle a été construite sur un cimetière indien.

À ce point de l’exposition la scénographie commence à évoluer, on se rend compte que les première salles n’étaient que l’antichambre de l’exposition. Les objets y étaient accrochés sans réelle mise en valeurs. Mais petit à petit le visiteur se retrouve en train de regarder des œuvres en noir et blanc encadrée et soclée, les murs mépreux sont remplacés par des vidéos contemplatives. On est passé du plongeon ethnologique à au regard distancié du white cube. La magie du musée est passée par là. Et pourtant, la magie de la visite n’en est pas entamée, on ne sort de l’exposition engourdi comme on peut l’être après une séance dans un cinéma d’art et d’essai du quartier latin – sous le contre coup d’un décalage horaire culturel.

À quand et à où la prochaine visite ?