La Gaîté Lyrique est une grosse boite un peu lourdaude où étrangement la culture numérique n’est pas toujours légère. Sauf que l’exposition en cours vient montrer le contraire. Et pour cause il n’y a pas plus low fi que le skate, et c’est toujours quand on assaisonne en contraste que la dynamique se crée.

Les premières projections en sont une parfaite illustration. Aimless fait dévaler des skateurs filmés au niveau des chevilles sur le grand mur du rez-de-chaussée. Entre celui-ci et les visiteurs accoudés à la balustrade, un vide de plusieurs mètres permet de mesurer de ses propres yeux l’acrobatie des protagonistes. Sans être vertigineuse l’expérience est aérienne, elle fait face aux douze écrans du dispositif de The chosen qui diffusent des images prises par des téléphones portable. Cette rencontre de la vidéo de poche et du grand opéra, montre bien toute l’étendue de la culture skate.

Au niveau moins-un on accède à la Petite salle dont le quadrillage met aux carreaux les films auxquels il sert de support géant à la projection. Cela donne l’impression que l’on s’apprête à les pérenniser dans le matériau acoustique qui recouvre cet espace de concerts. Ici les images sont souples et esthétisantes. Pour chaque vidéo une bande son soigneusement sélectionnée vient appuyer le sentiment de vacances et d’été sans fin qui se dégage de l’ensemble. On se laisse alors à rêvasser aux tièdes soirées automnales, traînant entre chien et loup de Californie un skate à la main.

Sur le même niveau de nombreux objets et photographies viennent documenter ou célébrer le skate. On trouve des planches dressées et mises au pilori sur des cimaises et rangées par thème, les productions de skateurs/artistes, intercalé de celles d’artistes/skateurs. On dépasse le rapport presque in situ sur le skate que l’exposition instaure au début pour aller au skate en tant qu’image de la société, puis aux skateurs en tant que protagoniste de celle-ci. Le tout, toujours nappé de cette culture presque cancéreuse qu’est l’adolescence, puisqu’elle renaît constamment et se ramifie en autant de trentenaire moustachus, quadras ventripotents et quinquas tatoués.

Parmi les non-trouvailles, les concepteurs de l’exposition ont pensé à présenter les planches décorées par Damien Hirst. Sans surprise elles sont dans des boites de plexiglas, mais l’on a oublié de les remplir de formol. L’image peut paraître dérisoire, sauf à avoir l’habitude de voir le poisson noyé dans l’eau.

La moitié de l’espace du quatrième et dernier étage est constitué hall of fame sponsorisé par une revue spécialisée, les béotiens du skate qui n’en n’ont que faire peuvent aller regarder les belles images en noir et blanc diffusées par les écrans suspendus dans le reste de l’espace. De là à dire que l’exposition se termine sur un pied de nez du papier poster au numérique, ou l’inverse, chacun se fera son idée.