David Shrigley qui ne manque pas de sens de la dérision ouvre l’accrochage de sa dernière exposition chez Yvon Lambert par deux dessins : Thoughts et Egg. Le premier montre des phylactères empilés et vides, l’autre un pied sur le point de s’abattre sur un œuf. Les esprits chagrins trouveront là un parfait résumé.

Une longue frise aphorismes développés au feutre sur feuilles A4, annotés à la main et soulignées à la règle, attendent dans les salles voisines. Le système est bien rodé, presque conceptuel. Pourtant David Shrigley ne prétend pas à une vision de la société, ses découvertes ne sont pas non plus individualistes. Il navigue à vu dans la lumière blanche de ses feuilles de papiers, à poil aussi fréquemment que possible, un peu esseulé, et jamais avare de vacheries. Et même si les visiteurs sont parfois un peu raides derrière leurs lunettes, tous se bidonnent à l’intérieur en lisant la répartie de l’artiste.

Dans cette exposition il a la gueule de bois. Les soirées de vomi, les orgies aux filles sans charme, et toute cette diversité de choses glauques qu’il a l’habitude de rendre mordantes sont moins présentes que par le passé. Le constat et l’état des lieux effectués en rendant les clés se brouillent avec des réminiscences d’animaux préhistoriques, de traversées à la rame et de géantes rigides. Shrigley évoque même sa qualité d’artiste et ri doucement des travers et des tics de cette activité.

L’exposition montre par ailleurs plusieurs sculptures. Toutes ont une forme d’un œuf, couleur d’œuf et marqués : Egg. Evidement leur présence intrigue. Mais l’on a beau s’en approcher, on ne trouve rien. Elles sont dispersées dans l’exposition et les visiteurs sont condamnés à leur tourner le dos en parcourant les dessins. Ces présences inhabituelles portent un signe. Mais les trois capitales noires qui les recouvrent ne dévoilent rien de la surface irrégulière de ces céramiques. Personne ne saura ce que contiennent ces œufs pondu par l’artiste. À moins de se rappeler le premier dessin de l’exposition et d’entreprendre d’en écraser un pour voir.