Cette exposition déposée à la frontière de la France, de l’Allemagne et de la Suisse semble réunir les objets créés durant toute une vie d’influences. Ils sont dispersés dans l’espace de cette ancienne usine comme autant de preuves d’une activité créatrice que l’on voit riche et toujours en rebond. Il n’y a pas de cartel, et l’on peut s’essayer à deviner à quelle période appartient telle ou telle pièce.

Le jeu en vaut d’autant la chandelle, que l’on est condamné à perdre. La majorité de ces œuvres ont été conçues durant des six dernières années. Le travail protéiforme qui se déploie sous nos yeux, et que l’on a spontanément envie d’associer au lent labeur de la peinture, est tout sauf rétrospectif. Le travail de Lucio Pozzi ne s’appréhende pas sous la forme d’une évolution mais sous celle d’un étalement. L’artiste est dans une course qui n’est ni un déroulement, ni un florilège. Toute cette diversité, ces peintures sur bâche en noir et blanc, ces petits formats monochromes, la rugosité de certaines textures face à la finesse de certaines autres, toutes ces actions sont mélangées frénétiquement. Elles renvoient les unes aux autres dans un flux et reflux qui n’admet pas d’ordre chronologique. Le travail de Lucio Pozzi s’étend  à un rythme aussi élevé que le nombre de mois dans l’année lui permettent.

De même, les sculptures appellent à d’anciennes références, et pourraient aussi bien être historiques. Certaines le sont, tel Romantic Lanscape qui accuse indubitablement les années 80. D’autres n’ont tout simplement pas de date et sont réactivées à chaque exposition. Mannequins est constitué de morceaux de corps démantelés, plusieurs ont été peints de couleurs vives, tous sont entassés dans un coin. L’artiste les trimballe d’expositions en expositions.

On peut aussi voir ses photographies. Dans un coin l’une d’entre elles est emballée dans du papier-bulles. The ancestors’keeper figure un groupe de personnes réunies dans un fond clair, c’est peu être un portrait de famille, mais l’on ne distingue qu’avec difficulté les traits. De toutes manières le regard ne parvient pas à s’échapper de la surface alvéolée du plastique d’emballage qui rend les visages à leur anonymat.

On va donc d’esthétique en confusion. Il n’y a pas de piège, les oeuvres découlent naturellement du rapport à l’art et la peinture qu’entretient cet artiste déjà d’un certain âge. Cette dispersion, ce rappel d’éléments épars est tout simplement né de la dernière pluie.