L’artiste suisse est très connu pour sa peinture à cheval sur de multiples influences et porteuse d’une modernité qui lui est propre. C’est pourtant les fragments d’une de ses premières réalisations La fresque de la danse macabre de Bâle qui accueillent le visiteur de l’exposition.

Ces éléments de décoration murale, particulièrement éloignés du travail que l’on connaît de l’artiste, sont parfois tellement abîmés que ne peut s’empêcher de penser en les voyant, aux murs que l’on découvre en enlevant les couches de papier peint d’un appartement. Leur aspect crayeux et spectral, à la limite de l’effacement définitif nous rappelle la fragilité de la création. Il s’en est vraiment fallu de peu pour qu’ils disparaissent définitivement. Après cet étrange prélude le visiteur est appelé à plonger dans ce que l’on connaît le mieux de l’artiste. Celui-ci est un maître de l’emploie de la couleur pour figurer l’espace et les mouvements du regard dans l’enceinte du tableau. Il manipule les ombres, et créé des jeux de lumières parfaitement construit et étrange à la fois. Chaque tableau devient alors, pour l’observateur attentif et conseillé, une mine d’indications et de références savantes.

Étonnamment, ces caractéristiques se retrouvent aussi dans les dessins de l’artiste. Qui sont tout de creux et de plis soyeux formant des compositions fuyantes.

Mais le talent de Konrad Witz ne saurait être que pure composition. On sourit beaucoup en visitant l’exposition. Et l’on rit même assez franchement face au César ventripotent et gras comme un cochon de lait que l’artiste met en scène. Certaines œuvres ressemblent à des défilés de modes, les personnages bibliques qu’elles contiennent y posent en dandys médiévaux, grimaçants et parés pour le bal. Les peintures ne sont pourtant pas des caricatures. On ricane, pourtant rien n’est plus sérieux que ce petit Saint Christophe bravant vaillamment le courant, chargé d’un Enfant Jésus tétanisé et agrippé à sa chevelure. L’image est à des kilomètres des attitudes majestueuses que l’on a l’habitude de voir dans ce type de scènes. Ailleurs, une Nativité nous montre des Rois Mages totalement dubitatifs face à une vierge à demi-niaise et un nourrisson microscopique. Là encore le tableau pose une foule de questions.

Presque tout dans l’exposition est de la même veine, la comédie humaine se mêle à la comédie évangélique. Mais il arrive aussi que l’artiste s’emprunte de solennité. Il couvre alors ses ciels d’or et de motifs, chargeant les descriptions des passages qu’il représente d’ornementations de circonstances. Cela a pour conséquence de plaquer l’espace du tableau dans sa moitié supérieur, tandis qu’en dessous s’animent les perspectives et les personnages de Guignol. La lecture de ses travaux s’en trouve légèrement plus compliquée, mais sans pour autant que les mises en scènes de l’artiste perdent en subtilité.