L’art contemporain Indien n’a plus grand-chose d’exotique. La géographie de ce pays à beau rester floue, sa production artistique est parfaitement reconnaissable. Depuis plusieurs années les amateurs et apprentis aventuriers font et refont le voyage. Tant est si bien qu’aujourd’hui si vous n’allez pas à Katmandou, Katmandou viendra à vous. Pas besoin de revoir Calcutta de Louis Malle ni de se demander où l’on se trouve vraiment, curry et tintamarres sont servis à volonté.

L’exposition du Centre Pompidou commence ainsi, ça gronde dès les escaliers. L’une des premières œuvres visuelles que l’on aperçoit est le mur recouvert de déchets informatique de Krishnaraj Chonat. À l’autre bout de l’exposition, le second pan de cette installation sera aussi l’une des dernières que l’on voit, le savon remplaçant les composants électroniques. Le clin d’œil est gros, mais il annonce clairement la couleur de l’exposition. Que peuvent bien avoir à se dire les artistes indiens et occidentaux ?

L’un des plus terrible et plus immédiat constat fait par cette exposition est qu’aujourd’hui l’art contemporain en Inde s’exprime essentiellement en anglais. Cela est d’autant plus criant que les matériaux et les modalités d’expression n’ont rien d’inattendu non plus. D’ici à là-bas c’est du pareil au même, une bonne dose de paillettes, et des références locales en plus.

Cependant, tout à l’extrémité de l’espace d’exposition on trouve le premier dialogue franco-indien vraiment saisissant. Le regard de Leandro Erlich est une petite pièce dans laquelle on ne peut pas pénétrer. Elle possède deux fenêtres, l’une s’ouvrant sur Paris, l’autre sur une ville indienne. Il y a vraiment quelque chose de familier dans cette œuvre, quelque chose que la mondialisation nous montre tous les jours et que  l’artiste a su restituer : cette association simple et pourtant implacable des cultures qui se chevauchent.

Ailleurs dans l’exposition l’Inde est indienne, la France française, chacune prenant ce qu’il faut où il faut pour faire illusion. Quelles sont-elles ?

D’un coté les Indiens ; Subodh Gupta comme à son habitude range et s’arrange avec sa culture. La force infernale de son travail réside justement dans sa capacité à nous donner du typique sans recourir aux stéréotypes mille fois remâchés. À l’opposé, Sakshi Gupta recycle des pièces mécaniques dans Freedom is everything, et en fait un grand motif géométrique qui sent l’huile de vidange. C’est lourd, tout d’acier, l’Inde laborieuse a-t-on envie de dire. Atul Dodiya, lui s’empare de la peinture populaire et publicitaire pour créer des mélanges triviaux. En la matière, il fait au moins aussi bien que ses prédécesseurs occidentaux. La plus part de ces travaux tentent de nous charmer et de nous intriguer, mais ce cortège de signes qui nous sont principalement inconnus vire rapidement au folklore. Le manège lumineux de Nalini Malani, Remembering Mad Mag, en est la plus parfaite expression.

Parmi les marottes de l’exposition il y a le sexe et la politique. Sunil Gupta et d’autres en profitent pour pointer du doigt les tabous sexuels et en particulier l’homosexualité en Inde, mais combien d’Indiens pourront voir cette exposition ? Pour la politique, Spot an innocent civilian de N.S. Harsah nous fait la morale en alignant les victimes innocentes de la modialisation. Le peloton d’exécution c’est nous, du moins si nous nous prêtons au jeu de la culpabilité occidentale face aux pays émergeants. Le mécanisme est le même pour l’œuvre adjacente We don’t know why we are stitching plants

Du côté français l’affiche aurait pu être fabuleuse. La crème de la crème est présente, l’ensemble est pourtant bien décevant. Par exemple le problème de Bublex est la société indienne construit en dur ce que lui conçoit dans son atelier : ses Hypothèses de travail ne sont que des projets où il a été dépassé. D’une manière ou d’une autre tous se retrouvent dans la même situation, qu’ils l’admettent comme Stéphane Calais ou Cyprien Gaillard, ou qu’ils fassent mine de rien comme Gilles Barbier et Jean-Michel Othoniel.